Du libéralisme autoritaire

Une recension de Samuel Lacroix, publié le

D’où vient le néolibéralisme ? Le débat court toujours, particulièrement sur ses accointances avec des gouvernements autoritaires. Les éditions Zones apportent leur pierre à l’édifice de cette discussion, en exhumant une polémique qui a opposé deux juristes allemands de renom juste avant l’accession de Hitler au pouvoir. « État fort et économie saine », le discours prononcé en novembre 1932 devant le patronat allemand par Carl Schmitt, l’auteur de La Notion de politique rallié au nazisme en 1933, est ici mis en perspective avec la réponse que lui avait opposée le social-démocrate Hermann Heller. Le premier entendait substituer à un État quantitativement « total » – intervenant dans toutes les sphères de la société pour satisfaire les desiderata des groupes d’intérêt – un État qualitativement « fort » – utilisant à son profit les moyens offerts par la technique et la communication modernes pour dépolitiser le social. Le second accusait Schmitt d’envisager un régime autoritaire, libéral avec le capital, dont il se désengagerait, et brutal avec le reste de la société, notamment ses forces subversives. De quoi comprendre comment la pensée de Schmitt a pu contribuer à forger une nouvelle conception du libéralisme, encore en vogue aujourd’hui dans les démocraties dites paradoxalement « illibérales ».

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