Déflagrations - Dessins d'enfants, guerres d'adultes

Une recension de Serge Audier, publié le

Une page barbouillée de rouge, sang ou feu. Ils sont à l’âge où l’on dessine des bonshommes à grandes mains, des maisons carrées avec la cheminée penchée dans la pente du toit, des soleils avec tous les rayons. Mais ils ont vu la guerre, de près : en Syrie, en Afghanistan, en Irak, au Darfour, au Nigeria, au Guatemala, au Liban, en Tchétchénie… Leurs bonshommes sont écartelés, gribouillés de traits furieux, la tête a disparu dans une tache rouge, partout les armes, chars, avions, le ciel est noir de flammes, la page est un chaos, le visage est un cri, l’enfant retrouve le geste de Picasso lorsqu’il peignit Guernica. Certains ont dessiné avec autant de soin les fleurs, les pommes dans les arbres, la robe chamarrée de leur mère. Zérane S. Girardeau a collecté ces dessins d’enfants auprès d’associations humanitaires mais aussi d’autres fonds d’archives de la guerre de 1914, de la guerre d’Espagne, et même du camp de Terezín en 1942. Le livre s’intitule Déflagrations (Anamosa, préfacé par Françoise Héritier). C’est aussi une exposition à la médiathèque de Strasbourg jusqu’au 16 décembre. Déflagrations raconte le vacarme du monde. Pour le lecteur aussi, c’est une déflagration qui oblige à suspendre la pensée. Il s’agit de voir LA guerre. Le plus sidérant est lorsque les enfants se représentent eux-mêmes : d’énormes trous noirs à la place des yeux, pas de bouche pour crier, pas de jambes pour courir. Béata, Rwandaise de 8 ans, n’est plus qu’une bulle vide, sur deux petites pattes, dans le coin d’une feuille blanche.

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