Âmes. Histoire de la souffrance, I
Une recension de Philippe Garnier, publié leQuels sont les êtres capables de souffrance ? Les humains, les animaux, les végétaux, les cailloux ? Et jusqu’où va la souffrance en nous-mêmes, quelle part de nous peut-elle atteindre ? De ces questions, intactes depuis la pensée des stoïciens, Tristan Garcia est parvenu à faire une fiction. Dans une machine romanesque profondément originale, il fait resurgir des « âmes » au fil d’une histoire du monde qui commence il y a deux milliards d’années et s’achève, du moins dans ce premier tome, en 869 chez les Aborigènes d’Australie. Au passage, ces quatre « âmes », baptisées « bleu », « rouge », « vert » et « jaune », se logent dans des corps, des paysages, une vie sociale, et subissent des tourments de toutes sortes qui vont de la rage de dents à la flagellation. D’un ver aquatique d’il y a 530 millions d’années à un roi indien de l’époque Gupta (IVe-VIe siècle), en passant par une Néandertalienne abandonnée, par deux larrons de Palestine au temps de l’Empire romain et par bien d’autres épisodes, le fil conducteur, c’est le corps souffrant, la chair exposée. Singulier angle de narration, qui s’appuie sur le cor au pied, l’hémorragie interne, l’arthrose, l’ecchymose, l’amnésie et la faim dévorante, aussi bien que sur les croyances religieuses, à la magie et aux dieux. Pourtant, Tristan Garcia le sait, il est impossible de reconstituer de façon fiable le monde mental d’un chasseur-cueilleur ou d’un ermite chinois du Ve siècle avant notre ère. Le corps, lui, est un guide plus sûr. Chacun souffre physiquement. Chacun est renvoyé à son existence charnelle et à ce perpétuel constat qu’« il n’y a que moi en moi », comme le dit dans un court traité sur la souffrance le légat romain Lucius Helvus Tinniter, personnage qui apparaît au chapitre V. « Pense à cet homme, écrit Lucius Helvus, il y a longtemps, inconnu de toi, qui a souffert et pour qui l’univers n’avait plus d’horizon que sa souffrance. Tu peux penser à lui, mais tu ne le connais pas. Il s’est évanoui, sa souffrance et le monde borné par cette souffrance aussi. » Le projet de Lucius Helvus ressemble beaucoup à celui de Tristan Garcia. C’est l’histoire revue par la longue cohorte des vaincus, et même par la part irrémédiablement vaincue qui gît dans tout corps puissant. Mais Garcia possède des outils de pensée et d’expression inconnus du légat romain : il jongle avec le storytelling et l’ontologie, la science-fiction, l’ethnologie et l’histoire matérielle, et construit au fil de ses romans une singulière machine à capturer la réalité.
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