Zygmunt Bauman : “Médusé par la magie du jeu de violoncelliste Yo-Yo Ma”
[Actualisation : l’intellectuel est mort le lundi 9 janvier 2017 à l’âge de 91, à Leeds, au Royaume-Uni]
« Je me souviens nettement d’un moment de révélation, s’approchant beaucoup d’une expérience du type “Eurêka !”. C’est en 1989, mon livre Modernity and the Holocaust [Modernité et Holocauste, La Fabrique, 2002] sort tout juste des imprimeries, après quelques années d’étude menant à sa publication. Je suis assis, aux côtés de Janina, ma compagne d’une vie, dans une salle de concert à Harrogate [en Angleterre], totalement absorbé, enchanté, médusé, par la magie du jeu du violoncelliste Yo-Yo Ma. Je me sentais “transporté”, à des lieux des soucis quotidiens du monde. Et si l’on me demandait ce que je pensais alors, je resterais perplexe et incapable de répondre. Claude Lévi-Strauss dit des mythes qu’ils ne sont pas “pensés”, mais qu’ils se pensent dans les hommes ; je crois que l’on peut appliquer cela à tous types de pensées, et non seulement aux mythes. Il nous arrive tous, fréquemment, de nous sentir, en tant que sujets cartésiens, subitement détrônés et dépouillés de notre pouvoir de contrôler – et même de suivre, sans parler de déterminer – nos mouvements de pensée, leurs objets… Ensuite, durant le prélude de la suite pour violoncelle de Bach, tout d’un coup, sans signe avant-coureur et apparemment sorti de nulle part, Modernity and Ambivalence [“Modernité et Ambivalence”, Cornell University Press, 1991] m’apparut in toto, complet, avec l’ordre et le nom des chapitres. Ce livre, auquel je n’avais jusqu’alors pas pensé, était destiné à compléter ma “trilogie de la modernité”, tandis que je traçais le chemin qui allait me mener (graduellement, bien que sans relâche) à l’idée de la “liquidité”. J’imagine que, dans mon propre parcours intellectuel, cet incident tient lieu d’un moment qui s’approche au mieux de ce phénomène mystérieux et atrocement intriguant de la “sérendipité”, à savoir, pour citer l’introduction de James L. Shulman à l’étude de Robert K. Merton et Elinor Barber, The Travels and Adventures of Serendipity [“Les voyages et les aventures de la sérendipité”, Princeton University Press, 2003], “un mélange de sagesse et de chance” ; c’est l’écrivain anglais Horace Walpole [1717-1797] qui a inventé ce terme en étant inspiré, de son propre aveu, par une histoire orientale relatant les aventures de trois “princes de la sérendipité”. Aventureux et curieux, ils font au cours de leurs voyages “la découverte par accident et sagacité, de choses qu’ils ne recherchaient pas”. Dans une lettre à son ami Horace Mann, Walpole surnomma une telle découverte “sagacité accidentelle” : en bref, découvrant X alors qu’il cherchait Y, ou ne cherchant rien de particulier et dérivant le long d’un courant de pensées tumultueuses disséminées au hasard… Finalement, le passage de la “postmodernité” à la “modernité liquide”, et ceci dans ma vie, non dans l’Histoire, a été déclenché par un “moment de sérendipité”. Ce moment m’a mené de la critique de la première modernité, solide, à la critique de la seconde, liquide dans le sens où plus aucun lien entre les individus ne tient, où l’homme est devenu “sans attache”, où “nos vies individuelles s’émiettent en une succession de moments incohérents”. En revanche, la fondation de cette idée fugace et sa justification en raison ont pris encore plusieurs années. »
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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