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Portrait de Benedictus (Baruch) Spinoza (1632-1677). Kunstmuseum Den Haag. ©Domaine public

Événement littéraire

Un nouveau regard sur Spinoza : son œuvre retraduite en Pléiade

Frédéric Manzini publié le 18 octobre 2022 5 min

Encore une nouvelle édition de Spinoza ? Oui, mais pas n’importe laquelle : dans l’élégante collection de la Pléiade cette fois, avec une reliure en cuir rouge qui rassemble en un seul volume toutes les œuvres du philosophe. Des Œuvres complètes donc, dans une version sûre et fiable, composées de retraductions et parfois de traductions totalement inédites, dirigées par le philosophe et traducteur Bernard Pautrat. L’occasion de mieux appréhender la cohérence de l’ensemble des écrits du philosophe hollandais, y compris les moins connus.

D’une Pléiade l’autre

Spinoza, certes, était déjà disponible en Pléiade. Il s’agissait cependant d’une édition ancienne puisqu’elle datait de 1955 (même si elle avait connu depuis plusieurs réimpressions), dont la direction avait à l’époque été confiée à l’écrivain Roland Caillois, secondé par Madeleine Francès et Robert Misrahi. Mais cette édition ne s’était jamais réellement imposée auprès du public lettré, pas plus qu’elle n’avait convaincu les spécialistes ; ses traductions parfois maladroites – pourquoi, par exemple, surtraduire Tractatus politicus en Traité de l’autorité politique ? – et un apparat critique approximatif et dépassé en avaient fait un outil inutilisable sauf par la commodité qu’il offrait de voir l’essentiel des œuvres du philosophe réunies ensemble en un seul et même volume. Un atout qu’on retrouve dans cette nouvelle édition, où tout a changé : outre des traductions inédites ou entièrement revues et des notes actualisées par d’éminents savants, l’ordre de présentation des écrits a été réagencé, de nouvelles lettres composant la correspondance de Spinoza ont été ajoutées ainsi que le Précis de grammaire de la langue hébraïque (que Spinoza a rédigé probablement dans les dernières années de son existence). Il en résulte une édition augmentée de 300 pages environ qui est désormais à jour du dernier état de l’avancée des recherches.

Des choix éditoriaux forts

Le maître d’œuvre de cette nouvelle Pléiade est Bernard Pautrat qui, pendant de nombreuses années a consacré à Spinoza un séminaire à l’école de la rue d’Ulm : proposition après proposition, phrase après phrase, mot après mot, il expliquait minutieusement le philosophe hollandais devant un public de fidèles. Sa rigoureuse traduction de l’Éthique, qui fait référence en français et qui est d’ailleurs ici reprise et corrigée, manifeste une sobriété préservée de tout excès d’érudition. « L’ambition de cette traduction est simple, explique-t-il : sur la base d’un texte le plus sûr possible, rendre l’Éthique le plus lisible et le plus intelligible possible pour un lecteur cultivé d’aujourd’hui. » Mais Bernard Pautrat est également un esprit libre qui fait des choix forts, comme celui d’utiliser le terme « manière » pour traduire le latin modus, plus souvent rendu par « mode ». Le lecteur entend d’une façon différente le rapport que les choses individuelles entretiennent avec la substance dont elles sont les affections, c’est-à-dire avec Dieu. Le corollaire de la proposition 25 de la première partie est ainsi rendu : « Les choses particulières ne sont rien que des affections des attributs de Dieu, autrement dit des manières par lesquelles les attributs de Dieu s’expriment de manière précise et déterminée ».

L’unité d’une œuvre construite autour de la question : comment vivre ?

Bien sûr, l’intérêt de disposer des œuvres complètes d’un philosophe en un seul volume, fût-ce en un volume de près de 2000 pages, est aussi de rendre pleinement cohérente sa pensée, pour mieux donner à voir son unité interne. Or quel est le lien entre l’Éthique, le Traité théologico-politique, le Traité politique, le Traité de l’amendement de l’intellect, le Court traité, les Principes de la philosophie de Descartes, les Pensées métaphysiques ainsi que le Précis de grammaire de la langue hébraïque et presque une centaine de lettres qui composent la Correspondance de Spinoza ? « Il y a, explique Bernard Pautrat, un fil, très simple, que Baruch Spinoza, du temps où, dans sa jeunesse, on l’appelait encore Bento, jusqu’aux jours de la maturité où il se nomma B. D. S, n’a jamais lâché. ». Ce fil n’est autre que le souci de « vivre, et [de] vivre bien ». Tel est expressément le projet qui anime l’Éthique et le Court Traité, qui en constitue une sorte de première version et dont le sous-titre rend explicite qu’il a pour objet « Dieu, l’homme et son bien-être ».

Impuissance et puissance de l’intellect

Mais pour savoir comment vivre, autrement dit pour mener à bien ce projet éthique, encore faut-il ne pas se laisser prendre aux illusions qui pourraient faire obstacle à notre chemin vers la vérité. Aussi Spinoza a-t-il d’abord, dans sa jeunesse, jugé utile d’en passer par un Traité de l’amendement de l’intellect avant de considérer que ce n’était pas notre intellect lui-même qui était défaillant – soulignons au passage la cohérence qu’il y a à traduire intellectus partout de la même manière, et par « intellect » plutôt que par « entendement », pour comprendre la cohérence qui lie l’inachevé Traité de l’amendement de l’intellect (plutôt que Traité de la réforme de l’entendement) à la cinquième et dernière partie de l’Éthique, rédigée bien plus tard et qui représente la version aboutie de sa pensée, précisément consacrée à la « puissance de l’intellect ». Entretemps, Spinoza se sera essayé à tester cette puissance de l’intellect par le recours à l’écriture géométrique sur une philosophie qui n’est pas la sienne, ce qui aboutira aux Principes de la philosophie de Descartes.

La menace théologico-politique

Reste l’œuvre politique, ou plus exactement théologico-politique d’abord, et politique ensuite. Est-ce un autre Spinoza qui s’y consacre ? Aucunement. Bernard Pautrat soutient que Spinoza n’a pas « abandonné le problème de Bento, bien au contraire. C’est précisément parce que le dispositif [théologico-politique conjoint du pouvoir politique hollandais et du calvinisme triomphant] est puissamment malfaisant qu’il lui a fallu l’attaquer ». On a vite fait, en effet, de succomber aux superstitions et aux préjugés que les dirigeants souvent encouragent en manipulant le peuple, c’est-à-dire en s’aidant d’une certaine (et mauvaise) compréhension de la religion pour jouer sur ses affects de crainte et d’espérance. Le Traité théologico-politique est donc un ouvrage salutaire mais explosif ; et quand il le fait paraître anonymement en 1670, sous un faux lieu et un faux nom d’éditeur, Spinoza a parfaitement conscience que sa défense de la rationalité et son appel en faveur d’une véritable liberté de pensée vont ouvrir une polémique dont l’écho sera considérable.

“Le Traité politique, complément indispensable de l’Éthique”

L’enjeu politique apparaît dès lors comme le prolongement naturel et nécessaire de l’enjeu éthique. C’est ce que montre clairement le Traité politique, l’ouvrage le plus sous-estimé de Spinoza. Sans rien céder au caractère toujours subversif de sa pensée, le philosophe s’enquiert de la forme d’État qui puisse garantir réellement les conditions les plus favorables à l’exercice de la raison. La monarchie ? L’aristocratie ? Spinoza étudie leurs mérites respectifs et leurs limites puis, laissant l’ouvrage inachevé, ne statue pas clairement sur les vertus du régime démocratique, comme le déplore Bernard Pautrat : « Nous manque cruellement sa réponse concernant l’imperium démocratique, dont tout indique qu’il eût montré que, rationnellement constitué, il l’emportait sur les deux autres. » Œuvres complètes donc, mais qui a aussi la politesse de laisser au lecteur une marge ouverte pour leur interprétation.

 

Les Œuvres complètes de Spinoza sont désormais disponibles dans une nouvelle traduction dans la Bibliothèque de la Pléiade, aux Éditions Gallimard. 1952 p., prix de lancement 76€ jusqu’au 31 décembre 2022, disponibles ici.

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