Innovation / Intelligence artificielle

Souvenirs de la maison des morts

Martin Duru publié le 3 min

Un logiciel de conversation permet de parler avec nos chers disparus. Analyse de ce dispositif que Jacques Derrida aurait pu qualifier d’“hantologique”.

« Envie de te voir. Si on dînait japonais ? – Un bento ! J’@dore. – Je sais… Où ? J’ai une adresse, les gyozas sont à mourir ;) » Un banal échange de SMS à la tombée de la nuit. Maintenant, mettons que le ou la destinataire, répondant instantanément, soit une personne défunte… Un dialogue virtuel avec un mort ? Ce néospiritisme n’est plus de la science-fiction. La communication avec l’au-delà est en passe de devenir la nouvelle frontière de l’intelligence artificielle.

Tout commence lorsqu’une ingénieure russe, Eugenia Kuyda, cofondatrice de la start-up Luka Inc., perd son collègue et ami dans un accident de voiture. Bouleversée, elle rassemble ses textos, compile tous les articles le concernant et crée un chatbot (contraction de chat, « discussion » en anglais, et de robot). Grâce à ce logiciel conversationnel, il devient possible d’échanger avec l’ami disparu, qui répond avec ses tics de langage, son style caractéristique… Une telle initiative n’est pas isolée. Dans le monde anglo-saxon, les équipes du jeune entrepreneur-chercheur Hossein Rahnama, en poste à l’université de Ryerson et au MIT Media Lab, travaillent actuellement sur des chatbots dits d’« éternité augmentée ». Il s’agit de mettre en place des banques de données, constituées à partir du legs numérique d’un individu. Prenez les mails et les Tweets, mais aussi les notices et les ouvrages en ligne, bref ce qui circule sur le Web, programmez le tout et vous obtiendrez un avatar-robot capable d’être interrogé. Le but avancé est notamment de permettre de converser avec de grandes figures du passé – un jour, William Shakespeare ressuscité par la technologie répondra peut-être à la question « être ou ne pas être » (s’il a une réponse).

Expresso : les parcours interactifs
Comme d'habitude...
On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
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