Intraduisible

Shibumi 渋み

Octave Larmagnac-Matheron publié le 1 min

Langue d’origine : japonais

 

Quel est le point commun entre « des couleurs sombres ou neutres, mates, mais de bon goût », « un vêtement […] tout simple à première vue mais taillé dans un tissu de première qualité » et un vase raffiné mais à l’aspect rugueux ? Toutes ces choses relèvent de la catégorie esthétique du shibumi, explique Ryoko Sekiguchi dans son livre L’Astringent (Les Ateliers d’Argol, 2012). La traduction choisie – « astringent » – ne suffit pourtant pas à rendre la richesse sémantique de ce mot très courant en japonais, nuance l’essayiste et poétesse. Le shibumi désigne à l’origine le goût acidulé, légèrement acre, du kaki encore un peu vert. Mais sa portée dépasse l’horizon culinaire à partir de l’époque Edo (1603-1868), notamment lorsque le shogunat Tokugawa interdit les motifs bariolés et les couleurs trop vives. Le concept de shibumi – connoté positivement, au contraire de l’astringent – finit par désigner, sous toutes ses formes sensibles, une beauté subtile, empreinte de mesure et de simplicité. Une beauté un peu âpre qui n’impressionne pas, n’attire pas le regard et peut même être confondue avec de la fadeur, si l’on n’y prête pas attention. « C’est un goût qui distingue les objets discrets, les assemblages délicats, et qui, loin des extravagances baroques, voit la beauté dans les valeurs du retrait et de la sérénité. »

Expresso : les parcours interactifs
Joie d’aimer, joie de vivre
À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
Sur le même sujet
Article
3 min
Clara Degiovanni

Dans Le Goût du moche (Flammarion, 2021), la journaliste de mode iconoclaste Alice Pfeiffer révèle les beautés du kitsch et de la faute de…

Le goût du moche : une philosophie

Article
5 min
Octave Larmagnac-Matheron

Qui n’a jamais rêvé de troquer la couleur de ses yeux pour une autre, jugée plus attrayante ? C’est ce que proposent désormais certaines…

Et si l’on changeait la couleur de nos yeux ?


Bac philo
6 min
Aïda N’Diaye

Analyse des termes du sujet « Peut-on ? » Est-ce possible ou est-ce légitime ? « être insensible » Ne pas s’intéresser à ou ne pas être touché par. « beauté » La beauté formelle, la valeur ou la…


Article
4 min
Octave Larmagnac-Matheron

Critiquée pour sa gestion de l’urbanisme, la ville de Paris va se doter d’un « manifeste pour la beauté ». Mais peut-on vraiment se…

C’est quoi, une belle ville ?


Bac philo
3 min
Nicolas Tenaillon

L’art désigne un ensemble de procédés visant un résultat pratique. Mais cette notion doit être vite distinguée de son acception technique au profit de son sens esthétique. L’art de l’ingénieur n’est pas celui de l’artiste qui s’adonne…