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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Erik Dungan/Unsplash

La petite question

Qu’est-ce qui nous pousse sur les plages ?

Timm Lewerenz publié le 12 juin 2021 3 min

Nous pourrons (enfin) voyager cet été – et un grand nombre d’entre nous choisira, sans doute, de partir à la mer. Mais qu’est-ce qui nous fascine, au juste, dans la mer ou l’océan ? Pourquoi prenons-nous plaisir à passer des journées entières à la plage, allongés sur le sable ? Réponse avec Thalès de Milet, Emmanuel Kant et Albert Camus.

Pour… le retour à l’origine

Thalès de Milet (VIIe-VIe siècle av. J.-C.)

Thalès enseignait que l’eau est l’origine (ἀρχή, arkhè) et la fin de tout être. Le présocratique de Milet, souvent considéré comme le premier penseur de la tradition occidentale, est convaincu que la Terre surnage comme un bout de bois à la surface d’un vaste océan. Chaque fois que les vagues de cette mer mettent le monde en mouvement, vents et tremblements de terre surviennent. Le monde – et chaque vie individuelle – est constitué d’eau, sous forme solide et liquide. Les écoliers le savent, d’une certaine manière : environ 70% du corps humain est constitué d’eau ; et la vie a émergé dans les océans. Thalès va cependant plus loin : pour lui, l’eau comme fondement éternel et primordial du cosmos est divine, car elle n’a « ni origine, ni fin ». Puisque tout provient de l’eau, tout est « plein de dieux ». Quelle importance, quand on va à la plage ? Observez votre glace à la pistache fondre sous la chaleur estivale : vous êtes témoin du processus qui a créé le monde lui-même et le fera un jour disparaître, par la solidification et la liquéfaction de la substance primordiale cosmique. Plongez maintenant dans les vagues, et éprouvez le sentiment de sécurité que vous procure l’étreinte de l’eau : le vacancier n’est pas seulement un visiteur, sur la plage, qui y vient pour s’amuser et bronzer – il est un habitué, car l’eau fait partie de lui.

Pour… le sentiment du sublime

Emmanuel Kant (1724-1804)

Si vous espérez passer une « belle » journée à la plage, le philosophe de Königsberg vous reprochera probablement de manquer l’essentiel. Comme il l’écrit dans la Critique de la faculté de juger (1790), « l’océan sans limites » n’est pas « beau » mais « sublime ». La beauté nous stimule par sa forme. Que ce soit le chant d’un oiseau ou (pour certains…) les lignes gracieuses d’un tatouage, la beauté s’éprouve devant la qualité d’une chose délimitée. Le sublime, au contraire, surgit de ce qui excède nos capacités de perception sensorielle. Si nous laissons notre regard vagabonder sur la mer, nous ne parviendrons jamais à l’apprécier entièrement, de saisir son étendue. Nous prenons alors conscience de notre petitesse physique face à l’océan. Cependant, en tant qu’humains, nous ne sommes pas seulement des êtres physiques, mais aussi des êtres rationnels. Et plus nous nous sentons intimidés dans notre fragilité matérielle, plus nous sommes saisis par la certitude de notre supériorité spirituelle et morale. Encore faut-il que nous observions l’immensité de la nature en toute sécurité ! Le naufragé ou l’alpiniste qui manque de tomber font face au menaçant, pas au sublime. La plage paisible est donc le lieu parfait pour éprouver le sublime : rien que l’horizon qui se dérobe et le sable mouvant sous nos pieds.

Pour… l’union cosmique 

Albert Camus (1913-1960) 

Au début des années 1950, Camus inscrit dans son journal ses dix mots favoris : « monde », « douleur » et « misère », ce qui n’est pas surprenant compte tenu de son caractère mélancolique. « Été » et « mer » sont plus intrigants ! Pour l’athée qu’est Camus, glisser dans l’eau chaude de la mer est une expérience quasi-spirituelle du bonheur le plus profond. Car celui qui nage dans « la tiédeur », écrit-il dans La Mort heureuse (1938, publié à titre posthume en 1971), « se perd » pour « se retrouver » ; il fait résonner « le chant profond de son bonheur ». Le sentiment de bonheur du baigneur est bien plus que la joie rafraîchissante de l’eau fraîche : en plongeant dans la mer avec la senteur « de la terre toute entière », nous devenons les témoins sensoriels d’une union cosmique, de l’étreinte de la mer et de la terre que tous deux attendent « depuis si longtemps », ajoute-t-il dans les Noces (1938). Dans cette immersion, l’homme est comme libéré de la recherche d’un sens qui l’obsède et que le monde lui refuse. L’espace d’un instant, alors qu’il se plonge doucement dans l’eau chaude, une prémonition effleure pour le nageur. Le seul véritable salut qu’offre la vie dans un monde sans transcendance, la « magie de la mort » (Journaux de voyage, 1946-49, publiés en 1978) laisse le baigneur pousser un soupir de soulagement.

 

Initialement parue dans l’édition allemande de notre magazine, la version originale de cet article est consultable ici.

Traduit par Octave Larmagnac-Matheron
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