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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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"Avec le Christianisme, La tristesse ne peut être surmontée, mais seulement faire l’objet d’une consolation." Détail de La Lamentation du Christ, de Sandro Botticelli, vers 1490, Alte Pinakothek, Munich, Allemagne ©Bridgeman

La vie des sentiments

Quelle place faire à la tristesse dans nos vies ? 

Octave Larmagnac-Matheron publié le 04 février 2023 8 min

Faut-il rejeter notre tristesse ou l’accueillir ? Alors que les sagesses antiques et religieuses la discréditent, des philosophes comme Clément Rosset ou Jacques Derrida proposent au contraire de lui laisser toute sa place. Histoire d’un revirement.



Comment être triste de l'essayiste britannique Helen Russell, Consolations du psychiatre Christophe André, Inconsolable de la philosophe Adèle Van Reeth… On ne compte plus les textes qui explorent le lien étrange entre la tristesse et la joie.

C’est une petite révolution, car la tristesse n’a pas bonne presse en philosophie. Bon nombre d’auteurs, à vrai dire, ne l’abordent pas, ou seulement de manière détournée, englobée dans les catégories beaucoup plus larges de « douleur » ou de « mal ». Spinoza, sans doute, qui la définit comme « le passage de l’homme d’une plus grande à une moindre perfection », y consacre de nombreuses pages, mais pour en faire la source de tous les affects négatifs.

Qu’y aurait-il à dire de ce sentiment terrible, négatif (issu du latin tero, « broyer, triturer, piler » et, au sens figuré, « épuiser, miner, affaiblir »), lié à une perte, sinon qu’il faut l’éviter autant que faire se peut ?

Trois éthiques antiques contre la tristesse

La négativité de la tristesse, son opposition présumée au bonheur, a, dans l’immense majorité des cas, conduit à son pur et simple rejet, et ce dès l’Antiquité. Toutefois, les logiques pour la conjurer et s’y soustraire varient. On peut distinguer au moins trois grands types de stratégies.

  • Le stoïcisme et l’endurance. Éviter ce qui nous fait souffrir : tel est l’enseignement antique, commun aux stoïciens comme aux épicuriens. Les premiers se montrent peut-être, ici, un peu plus réalistes. Il n’est de vie qui saurait se préserver, de manière imperméable, de toute tristesse. La perte qui nous afflige n’est pas de notre fait, ne dépend pas de nous. Si le sort veut que nous la subissions, nous la subirons. Ce qui est en notre pouvoir, c’est de nous préparer à l’encaisser pour en minimiser les effets et éviter ainsi la dissolution de l’individu. Voici ce que Sénèque écrit à Lucilius, qui vient de perdre son ami Flaccus : « Je ne voudrais pas t'en voir affecté plus qu'il ne convient. Ne pas l'être du tout, j'aurais peine à te le demander, tout sûr que je suis que ce serait le mieux. […] On peut nous excuser de nous laisser aller aux larmes, si elles ne coulent pas avec excès, et si nous-mêmes savons les arrêter. »

    Tous les moyens sont bons pour reprendre la main sur l’affection qu’elle produit en nous : se réjouir des moments passés ensemble (« Appliquons-nous à trouver des charmes au souvenir de nos amis perdus », dit Sénèque), relativiser la mort d’un être chéri (« Ne dis jamais, à propos de rien, que tu l'as perdu ; dis : “Je l'ai rendu.” Ton enfant est mort ? Tu l'as rendu », affirme Épictète dans son Manuel)... La meilleure stratégie reste encore de ne pas trop penser à la tristesse que l’on éprouve : « Dès que tu cesseras de t'observer, ce fantôme de tristesse s’évanouira » (Sénèque). Cette appréhension de la tristesse est indissociable d’un horizon éthique : l’ataraxie, l’absence de trouble. Quête qui suppose de se détacher des affections négatives, mais également des plaisirs excessifs, qui constituent autant de frustration, et donc de tourments, à venir.
     
  • Le christianisme et la consolation. La perspective change avec l’avènement du christianisme. Le motif biblique de la « vallée de larmes » résume, en une remarquable économie de mots, la mutation : si le stoïcien pouvait espérer tenir à distance pour l’essentiel la tristesse, le chrétien s’avoue, ici-bas, vaincu. La tristesse est trop puissante, dans un univers mental où il semble devenu impossible de dire, avec Épicure, que « la mort n’est rien pour nous », puisque la mort occupe au contraire entièrement les pensées. La tristesse ne peut être surmontée, mais seulement faire l’objet d’une consolation : la promesse d’une continuation au-delà, dans un autre monde affranchi précisément de la perte inhérente à la finitude humaine. Il est, sans doute, une joie intense de cette promesse, mais elle se présente toujours, quoique projectivement, sur le mode du dépassement.
     
  • Le bouddhisme et la déréalisation. Dans un tout autre contexte, le bouddhisme proposera de son côté une éthique radicale du détachement, y compris du Soi à l’égard de lui-même : si nous nous affranchissons de toutes nos attaches, si nous comprenons, même, que la différence entre nous et les choses auxquelles nous nous attachons n’est qu’une illusion, il n’y a rien à perdre. Tel est l’enseignement du Bouddha : « De l’affection naît le chagrin, de l’affection natif la crainte. Pour celui qui est affranchi complètement de l’affection, il n’existe point de chagrin. » C’est en « recherchant l’extinction » que le salut suprême pourra être atteint.
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