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Pascal Bruckner et Fabrice Luchini en 2017 © Édouard Caupeil

Pascal Bruckner, Fabrice Luchini. Êtes-vous sûr de détester l’argent ?

Fabrice Luchini, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 22 août 2017 15 min

Fabrice Luchini revient sur scène pour y dire des textes sur l’argent. Il lit Zola, Guitry, Marx, mais aussi un penseur contemporain qu’il apprécie… Pascal Bruckner. Ensemble, ils ont pris un malin plaisir à mettre à mal notre tabou national.

Fabrice Luchini est de retour au théâtre, à partir du 18 septembre à Paris, mais cette fois, il se penche sur la poésie… du grisbi ! Curieusement, l’argent est l’une des préoccupations majeures de l’existence, et pourtant, il demeure un impensé. Dans la tradition philosophique, il n’existe pas vraiment de traité sur la question, à l’exception de Philosophie de l’argent (1900), de Georg Simmel. Pour écrire La Sagesse de l’argent, paru en 2016 chez Grasset, Pascal Bruckner a rassemblé toutes les pages théoriques disséminées chez les penseurs depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Son but : prôner une attitude saine face à l’argent, qui ne soit ni l’appât du gain effréné, ce qu’Aristote appelait la chrématistique, ni l’idéal d’austérité des ordres religieux pauvres et des décroissants. Comment donner à l’argent sa juste valeur, sans devenir pour autant un partisan de l’exploitation ? Telle est la question que Fabrice Luchini et lui creusent sans fausse pudeur.

 

Pascal Bruckner : Parler d’argent, c’est toujours parler de soi. Je suis issu de la petite bourgeoise d’après-guerre. Ma famille, d’abord pauvre quand j’étais enfant, s’est hissée jusqu’à la classe moyenne, puisque mon père était ingénieur des mines dans l’est de la France. Suite à un surendettement, il a fini sa vie dans la misère. À sa mort, j’ai dû refuser son héritage, parce qu’il ne laissait que des dettes.

 

Fabrice Luchini : Vous racontez cela dans un livre…

 

P. B. : Oui, dans Un bon fils.

 

F. L. : Mais vous parlez là de vraies dettes financières, pas du poids de la figure paternelle ?

 

P. B. : Les deux : mon père était un nostalgique du IIIe Reich et un antisémite frénétique, mais je parle bien de dettes concrètes. Payer pour les erreurs des aînés est très désagréable. C’est pourquoi je suis, comme beaucoup de Français, hanté par le déclassement social. Au-delà de ces origines, j’ai évolué au sein d’une génération pour laquelle l’argent ne comptait guère. Dans les années 1970, les possessions matérielles n’étaient pas autant valorisées qu’aujourd’hui…

 

F. L. : L’ambition professionnelle n’était pas de mise ! Si quelqu’un en soirée avait osé dire que son projet était de migrer en Angleterre pour y conquérir une position importante dans la banque, il aurait été regardé comme un misérable ou un égaré.

 

P. B. : Les conversations tournaient autour du plaisir, de la subversion, et la richesse était littéraire, philosophique. Ceux qui souhaitaient devenir cadres ou, pire, directeurs d’entreprise étaient vus comme des suppôts du capital…

 

F. L. : Le livre de référence était L’Homme unidimensionnel d’Herbert Marcuse. Cet essai oppose la culture de l’avoir – qu’il faut détruire – et la culture de l’être – que l’on admire. Marcuse était à la fois freudien et marxiste. C’était le courant en vogue, le freudo-marxisme. Mais je n’ai pas compris Mai-68. D’ailleurs, à l’époque, j’étais apprenti coiffeur.

 

P. B. : Rassurez-vous, je ne l’ai pas bien compris non plus. Le marxisme me passait au-dessus la tête. Toujours est-il que je me suis laissé porter par l’élan qui prônait la culture du frisson, de la nouveauté, et qui allait la chercher en Orient, du côté du bouddhisme et de l’hindouisme. C’était une période de merveilleuse insouciance, la vie durerait toujours et nous prodiguerait ses dons indéfiniment… Avec l’âge et les enfants, j’ai pris conscience que le nombre des années était limité et j’ai commencé à m’inquiéter de l’argent. C’est sur le tard que je me suis mis à calculer.

 

« Toute mon enfance a été rythmée par l’attente de ce moment béni où, à la fin de la journée, on faisait la caisse. La caisse ! »

Fabrice Luchini

F. L. : Quant à moi, je suis issu d’un horizon totalement différent ! Je viens de l’immigration italienne très, très pauvre, pas du tout de la petite ou moyenne bourgeoisie. Mes grands-parents ont fui une misère noire et ont atterri à Long­wy, Villerupt, Haguenau. Ils ont travaillé dans des usines monstrueuses où mon grand-père a eu la jambe broyée – il avait une jambe en bois. Chez nous, c’était du Zola. Mon père a choisi la nationalité française et a échappé à la condition ouvrière en devenant employé dans une coopérative de fruits et légumes. Après une longue captivité durant la guerre, il a ouvert un commerce de quatre-saisons. Toute mon enfance a été rythmée par l’attente de ce moment béni où, à la fin de la journée, on faisait la caisse. La caisse ! C’est là qu’on découvrait combien on avait vendu de laitues, de pommes de terre, combien on avait gagné. Chez moi, non seulement il n’y avait aucun mépris pour les biens matériels, mais l’existence ne se résumait qu’à un objectif : gagner de l’argent !

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Article issu du magazine n°112 août 2017 Lire en ligne
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