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(cc) Jason Pope / Flickr

Mort du philosophe et critique d’art Arthur Danto

Cédric Enjalbert publié le 29 octobre 2013 4 min
Le philosophe et critique d’art américain Arthur Coleman Danto est mort le vendredi 25 octobre 2013, à 89 ans. Figure de la critique philosophique entrée dans le monde l’art en 1964, suite à un essai fameux intitulé “Artworld”, Arthur Danto conceptualise la fin de l’art.

Né le 1er janvier 1924 à Ann Arbor (Michigan), Arthur Danto se forme aux universités de Wayne et de Columbia ainsi qu’à la Sorbonne, auprès de Maurice Merleau-Ponty. Il enseigne la philosophie analytique à l’université de Columbia de 1952 à 1992, organisant des séminaires où sont invités des artistes. Mais s’il « adore la philo », il n’a en revanche « aucun intérêt pour l’histoire de l’art ».

Aucun intérêt pour l’histoire mais un souci philosophique incessant pour « le monde de l’art ». C’est le titre de son premier article remarqué qui paraît dans le Journal of Philosophy en 1964. Fidèle à la veine analytique et empiriste qu’il suit, Arthur Danto s’inquiète de la dimension ontologique de l’œuvre. Qu’est-ce que l’art ? Un certain contexte culturel et une « atmosphère de théorie de l’art ». L’art, en somme, est ce qu’un cercle de personnes autorisées appelle «art». Cette définition généreuse rend grâce aux expériences d’avant-garde les plus pointues ; mais elle ouvre une brèche : un relativisme extrême du jugement esthétique.

« Je me suis senti transformé. Je suis devenu philosophe de l’art »

Arthur Danto forge cette définition lorsqu’il découvre les Brillo Box d’Andy Warhol: « Je me suis senti transformé. Je suis devenu philosophe de l’art », confie-t-il. En 1964, l’artiste pop fait fabriquer dans sa Factory new-yorkaise une série de répliques en contreplaqué de cartons utilisés pour livrer les marchandises aux supermarchés, dont la célèbre boite de tampons à récurer Brillo.

Que tire Arthur Danto de cette expérience pop ? Une interrogation d’ordre ontologique – pourquoi cette boite est-elle de l’art quand celle qui est stockée dans les entrepôts n’en est pas ? – et une leçon qu'il expose dans « Le Monde de l’art » :

« Nous ne pouvons pas facilement séparer les boîtes de Brillo en carton de la galerie dans laquelle elles se trouvent, pas plus que nous ne pouvons séparer le lit de Rauschenberg de la peinture qu’on a mise dessus. En dehors de la galerie, ce sont des boîtes en carton. De même, nettoyé de sa peinture, le lit de Rauschenberg est un lit, précisément ce qu’il était avant d’être transformé en art. Mais alors, si nous pensons à fond à cette affaire, nous découvrons que l’artiste a échoué, réellement et nécessairement, à produire un simple objet réel. Il a produit une œuvre d’art, son utilisation des boîtes de Brillo réelles n’étant qu’une extension des ressources dont disposent les artistes, un apport de matériaux de l’artiste comme le fut la peinture à l’huile ou la touche.

Ce qui finalement fait la différence entre une boîte de Brillo et une œuvre d’art qui consiste en une boîte de Brillo, c’est une certaine théorie de l’art. C’est la théorie qui la fait entrer dans le monde de l’art, et l’empêche de se réduire à n’être que l’objet réel qu’elle est. »

Il développe cette idée fondamentale dans de nombreux ouvrages, analysant cette Transfiguration du banal dont il tire les plus grandes conséquences. Danto poursuit : dans le monde l’art contemporain, aucun style ne domine plus. Le pluralisme est la règle. Selon lui, depuis Michel-Ange l’histoire de l’art est « passée de la recherche à l’application, de la poursuite de la vérité représentationnelle à des travaux exécutés à la lumière de cette vérité. […] C’était parce qu’on avait plus besoin de lutter pour maîtriser l’usage de la perspective, du clair-obscur, du raccourci et d’autres techniques du même genre, qu’une telle variété devenait possible. » Le temps des grands modèles de compréhension de l’histoire de l’art, fondé sur un progrès et des révolutions, est clos. Arthur Danto pense la fin de l’art sur le modèle de la « fin des grands récits », due à Jean-François Lyotard.

Il pose dès lors à nouveaux frais la question : comment évaluer et définir une œuvre dans un monde postmoderne, où plus aucune idéologie ni aucun système de pensée n'unifient l’histoire en assignant un but à l'existence et aux productions humaines ? Il montre dans La Madone du futur que les critères d'évaluation d’une œuvre doivent moins à son appréciation esthétique qu'à une interprétation historique et philosophique. Le titre rend hommage à la nouvelle éponyme d'Henry James : un jeune peintre s'efforce de rivaliser avec une célèbre Madone de Raphaël. Au terme de multiples tentatives avortées, il laisse une toile «complètement vierge, craquelée et décolorée par le temps». Danto montre que ce relatif échec constitue possiblement, pour les générations futures, un chef-d'œuvre d'art contemporain, un monochrome…

« L’interprétation est une procédure de transformation »

Arthur Danto

Par-delà une forte inclination relativiste, Arthur Danto tente une définition « essentialiste » de l’art, prenant en compte le fait que « la beauté a disparu des réflexions sur l’art depuis les années 1960. » Fin de l’art et disparition du Beau, que reste-t-il aux spectateurs ? Du sens. Tout œuvre est une matière à interpréter. Pour Arthur Danto, l’art est une « pensée visuelle », dans la lignée de son maître Maurice Merleau-Ponty, pour qui : « L'art n'est ni une imitation, ni d'ailleurs une fabrication suivant les vœux de l'instinct ou du bon goût. C'est une opération d'expression » (Sens et Non-sens).

Arthur Danto s’en réjouit : « Puisque l’interprétation est constituante, l’objet n’est pas une œuvre avant cet acte. L’interprétation est une procédure de transformation : elle ressemble à un baptême, non pas en tant qu’il impose un nom, mais en tant qu’il confère une nouvelle identité qui fait accéder le baptisé à la communauté des élus », écrit-il dans Le Transfiguration du banal.

Dans les chroniques qu’il tient de 1984 à 2009 dans le journal The Nation (où son prédécesseur Henry James tenait la rubrique littéraire) il réaffirme sa vision singulière de l’art contemporain en s’appuyant sur les exemples les plus fameux de la scène d’avant-garde : Damien Hirst, Gerhard Richter, Matthew Barney… Il s’enthousiasme dans La Madone du futur de « l’inventivité des artistes qui réussissent à transmettre du sens en se servant des moyens les moins traditionnels. Le monde de l’art est le modèle d’une société pluraliste, dans laquelle toutes les barrières et frontières enlaidissantes ont été renversées ». Ce vaste monde a perdu l’un de ses admirateurs.

 

Pour aller plus loin
Arthur Danto / Andy Warhol. Objet décapant
La chronique du livre d'Arthur Danto: Andy Warhol
La métaphysique du pop, par Cécile Guilbert, Camille de Toledo et Philippe Nassif

 

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