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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Hilary Putnam (cc) Wikimedia Commons 

Nécrologie

Mort du philosophe américain Hilary Putnam

publié le 14 mars 2016 6 min
Reconnu pour sa contribution à la philosophie de l’esprit, le professeur Hilary Putnam est mort dimanche 13 mars 2016, à 89 ans.

Figure centrale de la philosophie de l’esprit, du langage et des sciences, Hilary Putnam est mort d’un cancer à l’âge de 89 ans, dimanche 13 mars. Né en 1926 à Chicago (États-Unis), d’un père journaliste, participant à la publication d’une revue du Parti communiste des Etats-Unis d’Amérique, et d’une mère juive, Hilary Putnam éduqué en laïque, vit en France avec ses parents jusqu’en 1934, avant de retourner à Philadelphie, où il se consacre à l’étude des mathématiques et de la philosophie.

Il est reçu docteur en philosophie à Harvard avec une thèse sur la signification du concept de probabilité, présentée en 1951 sous la direction de Hans Reichenbach, l’une des figures phare du positivisme logique, avec Rudolph Carnap, dont Hilary Putnam suit aussi les enseignements. Connu pour changer souvent de points de vue, au fur et à mesure que sa réflexion évolue, le philosophe défend successivement différentes versions du réalisme. Il finit par critiquer l’ambition de ses maîtres de construire un langage formel sans passer par un langage imprécis, et il se rapproche finalement du pragmatisme hérité de William James et de Wittgenstein, soutenant l’idée que la métaphysique renvoie à l’expérience que nous faisons du monde.


 

Terre jumelle

Sa carrière de professeur débute à Princeton, où il enseigne les mathématiques de 1953 à 1961 ; elle se poursuit à Cambridge (États-Unis), où il donne des cours de philosophie des sciences au Massachusetts Institute of Technology jusqu’en 1965, puis de logique mathématique et de philosophie à Harvard, où il finit sa carrière en 2000.

Quasi inconnu et rarement enseigné en France, Hilary Putnam est surtout renommé pour deux expériences de pensée passées à la postérité philosophique : l’expérience de la Terre jumelle, expliquant la notion d’« externalisme sémantique », et celle du cerveau dans la cuve, illustrant l’« externalisme épistémologique ». Avec la première expérience, qu’il qualifie lui-même de science-fiction, le philosophe entend montrer que l’extension d’un terme n’est pas déterminée entièrement par les états psychologiques du locuteur, autrement dit : « les significations ne sont pas dans la tête ». Dans cette expérience de pensée introduite dans un essai de 1975, Hilary Putnam met en scène une planète similaire à la planète Terre, une Terre jumelle. Une seule différence : la composition de ce qui est appelé eau ici et sur la Terre jumelle est différente. H2O ici, XYZ là-bas. Mais son apparence est identique. Les habitants de la Terre et de la Terre jumelle pensent bien, à chaque fois, qu’il s’agit d’eau. Oscar sur la planète Terre dit: ceci est de l’eau. Le jumeau d’Oscar sur la planète Terre jumelle déclare: ceci est de l’eau. Mais l’un parle de l’eau H2O et l’autre de l’eau XYZ. Il sont dans le même état mental, mais ils n'entendent donc pas la même chose avec le mot « eau », dans la mesure où celui-ci n'a pas la même référence sur Terre et sur Terre Jumelle. Pour différencier le contenu sémantique de l’un et de l’autre, il faut recourir à une donnée externe. Conlusion : la signification des mots n’est pas dans la tête des locuteurs mais dépend de leur environnemment, ce qu’il appelle l’externalisme sémantique.
 

Cerveau dans la cuve

L’expérience du cerveau dans la cuve, proposée en 1981 dans Reason, Truth, and History (trad. 1984: Raison, Vérité et Histoire, Minuit), est une forme modernisée du malin génie de Descartes. Hilary Putnam invite à imaginer que votre cerveau baigne dans une cuve. Ce cerveau reçoit des stimuli par ordinateur, donnant accès à une réalité simulée et non appréhendée par une expérience corporelle et sensorielle du monde, par l’interaction avec les choses. Ce cerveau a-t-il raison de croire ce qu’il croit, puisqu’il ne sait pas à quoi les mots qu’il emploie se réfèrent ? Et comment savoir si celui qui lit ce texte n’est lui-même pas un cerveau dans une cuve ? Toutes nos croyances sur le monde pourraient être fausses.

Cependant, Hilary Putnam réfute lui-même les conséquences sceptiques de cette expérience de pensée. Il renvoie pour cela à la notion de référence : le philosophe précise que les mots utilisés par une personne dans un monde virtuel se réfèrent aux éléments constituant ce monde et non aux à ceux d’un hypothétique monde extérieur. Autrement dit, en affirmant que vous êtes un cerveau dans une cuve, vous ne feriez pas référence à une véritable cuve, mais à un influx nerveux provoqué par l’ordinateur. Si bien que, en tant que « cerveau dans une cuve », dire « je suis un cerveau dans une cuve », reviendrait à dire: « je suis une image de cerveau dans une image de cuve », ce qui est contradictoire. Grâce à cette expérience de pensée « auto-réfutante », Hilary Putnam défend ainsi une forme d'externalisme épistémologique : la connaissance n’est pas déterminée de manière interne, elle dépend de facteurs en dehors de l'esprit.  Cette expérience de pensée a inspiré le scénario de Matrix.


Transformer sa manière de vivre

Mais les scénarios de Hilary Putnam n’ont pas seulement inspirés les films de science-fiction. Le philosophe demeure une référence pour de nombreux penseurs contemporains. La philosophe Martha Nussbaum lui rend hommage, en en faisant un exemple de rigueur philosophique contre Derrida qui « pratiquait la philosophie d’une manière non socratique, insulaire et complaisante ; il n’entre pas en relation avec le travail des autres. Par exemple, je pense que Derrida n’a rien dit sur le débat entre réalistes et antiréalistes qui n’ait été dit, et bien mieux, par Willard Van Orman Quine, Hilary Putnam ou Nelson Goodman. C’est que ces philosophes se sont réellement coltinés, et dans le détail, à ces problèmes de philosophie des sciences et de philosophie du langage que Derrida préférait survoler en prenant un ton oraculaire. » Le logicien américain Willard Van Orman Quine est un collègue de Hilary Putnam ; ensemble, ils développent un argument en faveur de la réalité des entités mathématiques.

Elle aussi lectrice assidue du philosophe américain, la métaphysicienne Claudine Tiercelin, professeure au Collège de France et titulaire d’une chaire de philosophie de la connaissance, pratique une philosophie hautement spéculative qu’elle inscrit, à l’instar de Hilary Putnam, contre les sceptiques, convaincue, elle aussi, que l’homme est capable de découvrir des vérités métaphysiques.

Enfin, il a notamment été l’enseignant de Cornel West, avec lequel il a partagé la défense des droits civiques pour les Afro-Américains, convaincu de la responsabilité des intellectuels dans la société, une conviction qu’il affirme en s'opposant par exemple à la guerre au Vietnam, et dont il témoigne notamment dans Education for Democracy (“L’éducation pour la démocratie”, 1993) mais aussi dans un livre intitulé La Philosophie juive comme guide de vie (Cerf, 2011).

Il commence cet essai composé durant les dernières années de sa vie par une introduction autobiographique. Le philosophe des sciences, reconnu pour sa rigueur sinon pour son âpreté conceptuelle, écrit cependant n’avoir pas « cessé d’être croyant ni d’être philosophe naturaliste (ce que ne sont d’ailleurs pas les trois philosophes dont je parle dans ce livre [Rosenzweig, Levinas et Buber]). Un philosophe naturaliste, mais pas réductionniste. En effet, si la physique met au jour les propriétés de la matière en mouvement, les naturalistes réductionnistes oublient que le monde a de nombreux niveaux de forme, parmi lesquels celui de l’action humaine moralement signifiante, et l’idée que tous ces niveaux puissent être réduits à celui de la physique est à mon avis complètement fantaisiste. Comme les pragmatistes classiques, je ne pense pas que la réalité soit moralement indifférente : comme Dewey l’a bien vu, la réalité nous impose ses exigences. » Et Hilary Putnam de rappeller finalement, bien que sur le tard, au terme de sa carrière, le rôle de la philosophie, que l’analyse des arguments logiques ne devrait jamais faire oublier: la philosophie, insiste-t-il, « consiste pour chacun à transformer sa manière de vivre et la compréhension qu’il a de sa place dans la trame globale des choses et dans la communauté humaine. »

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