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Mona Ozouf en 2015. © Richard Dumas pour PM

Mona Ozouf : “La possibilité de dire ‘nous’”

Mona Ozouf, propos recueillis par Michel Eltchaninoff publié le 28 mai 2015 15 min

Son nom évoque d’emblée la Révolution française. Rencontrer cette historienne formée à la philosophie, c’est bien sûr revenir sur ce moment clé, et, à partir de lui, éclairer nos balancements entre identité particulière et idéal républicain. Une relecture opposée à tous les dogmatismes.

 

Lorsque le doute sur ce que nous sommes mène à l’angoisse, lorsque les positions des uns et des autres sur les liens entre islam et République se durcissent, écouter Mona Ozouf apparaît comme un bienfait. Avec élégance et clarté, dans l’atmosphère presque provinciale de son appartement, elle replace nos interrogations collectives dans la perspective de la longue durée. Habitée elle-même par la tension entre ses origines bretonnes et l’universalisme républicain, opposée à l’écrasement des différences mais désireuse de dire « nous », elle aborde la question de notre identité collective à partir de la Révolution française. Elle la suit sur les chemins zigzagants des Empires et des Républiques. Elle en débusque les embardées et les accalmies dans les lieux les plus inattendus : fêtes révolutionnaires et républicaines, littérature française ou américaine, articles de journaux, paysages…

Mona Ozouf en six dates

  • 1931 Naissance en Bretagne 
  • 1935 Mort de son père, Yann Sohier 
  • 1955 Mariage avec l’historien Jacques Ozouf 
  • 1956 Rupture avec le Parti communiste français 
  • 1976 Publication de La Fête révolutionnaire 
  • 1988 Publication, avec François Furet, du Dictionnaire critique de la Révolution française

Elle s’arrête longuement à cette étape fondamentale, à la fin du XIXe siècle, qui a vu naître dans la douleur l’école publique et la laïcité. Puis elle reprend le chemin et éclaire notre présent grâce à cette intime connaissance de la France d’hier. D’un côté, elle nous rassure quelque peu lorsqu’elle explique que l’accommodement entre la religion et la République prend du temps et demande des efforts. De l’autre, elle nous met face à nos responsabilités et n’est pas du genre à éluder les problèmes. Cette historienne formée à la philosophie a bouleversé, avec son ami François Furet, la conception de la Révolution française. Déçue du communisme, elle a fait basculer une lecture axée sur les conflits sociaux vers une vision plus anthropologique. Elle a montré comment la passion révolutionnaire s’est peu à peu réconciliée avec la démocratie pour faire émerger, après des décennies, une République à peu près pacifiée. Libérale au sens politique, Mona Ozouf a œuvré à débarrasser la gauche française de son surmoi radical et révolutionnaire. Pour elle, réformer vaut mieux que rêver au grand soir. Avec une modestie qui dissimule une belle audace, elle polémique avec les féministes radicales, aborde la littérature française ou américaine. Elle a construit une œuvre originale qui entrecroise la chaîne et la trame de ce qui l’a toujours passionnée : le tissu national. Un volume qui vient de paraître chez Gallimard, dans la collection Quarto, en offre une version renouvelée. C’est l’occasion de reprendre nos problèmes à la racine.

 

Comment avez-vous vécu la contradiction entre votre identité bretonne et l’idéal républicain ?

Mona Ozouf : J’aurais été bien en peine d’exprimer, dans mon enfance, ce qui me tracassait. J’ai seulement le souvenir de moments inconfortables, vécus entre l’école, l’église et la maison. Ainsi, à l’école, on célébrait les gloires nationales et on apprenait que toutes les filles de France avaient filé une quenouille pour la libération de Du Guesclin. Or, à la maison, ce Breton partisan du roi de France était considéré comme un traître. Je n’étais pas à l’aise non plus en lisant les pages de ces écrivains français qui décrivaient les Bretons comme des êtres frustes, mal lavés, vivant dans des cahutes obscures et marmonnant une langue barbare. Par ailleurs, à l’église, on me disait qu’on ne pouvait être sauvé en dehors de la religion, mais mes parents ne mettaient pas les pieds à la messe. À la Libération, toutes les maisons se sont pavoisées de tricolore. La mienne est restée veuve de drapeau : chez nous, le seul drapeau qui existait était le drapeau breton noir et blanc caché au grenier sous les châles de mariage de ma grand-mère. Ma mère voyait mal pourquoi elle aurait dû pavoiser sa maison de drapeaux républicains, mais moi je voulais être à l’unisson. Du reste, j’ai fabriqué et peint deux misérables drapeaux de papier, qui, évidemment, n’ont pas résisté à l’averse bretonne… Tout ceci fait une existence un peu boiteuse.

 

Ces tensions sont-elles à l’origine de votre œuvre ?

Elles sont devenues ma préoccupation principale. Au fond des sentiments de mon père, qui s’était converti au régionalisme breton, il y avait une protestation contre ce que l’universalisme républicain charrie d’uniformité, de religion de l’unanimité. Cette résistance au « nous » national m’a toujours fascinée. Mais, en même temps, j’étais séduite par la possibilité de dire « nous ». C’est précisément pour cela que j’ai adoré l’école. Avoir pu être, malgré ma maladresse, un partenaire accepté des autres dans les jeux de la cour, a été pour moi une découverte merveilleuse. Je me suis très vite sentie double. Fidèle, d’un côté, à mon héritage particulariste, rebelle à l’uniformité. Convaincue, de l’autre, qu’il y a quelque chose de plus exaltant et de plus noble dans l’idée d’universalité. Mais cela n’engendre pas forcément un trouble de l’identité ! Quand on me demande si je me sens davantage française ou davantage bretonne, je réponds que cela dépend du contexte. Si je regarde un match de football Guingamp-PSG, je me sens bretonne. Mais si le PSG joue contre Barcelone, c’est autre chose…

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