Mon prof répète que la philo peut changer la vie, mais je ne vois pas en quoi… Pourriez-vous me donner un seul exemple concret ?
Bertille Chaumont, 17 ans, Marseille (13)
Je vais vous en donner un, très concret, issu de mon expérience personnelle. L’un des premiers cours de philosophie que j’ai reçus portait sur la philosophie épicurienne, et plus précisément sur le concept de contingence au cœur de cette philosophie. La contingence, c’est « ce qui aurait pu ne pas être » : c’est le contraire de la « nécessité ». Mon professeur montrait qu’Épicure nous invite à profiter de l’instant présent, du verre d’eau lorsque nous avons soif, du rayon de soleil sur notre peau, en tant que cet instant, ce verre d’eau ou ce rayon de soleil, sont contingents : ils sont, mais ils auraient pu ne pas être. Épicure est d’abord physicien : les atomes qui constituent le monde se sont assemblés d’une certaine manière, ils auraient très bien pu s’assembler autrement. Le vrai miracle, c’est qu’il y ait quelque chose… qui aurait pu ne pas être. Voilà déjà de quoi se réjouir... Mais vous vouliez du concret. La découverte d’Épicure a changé mon rapport aux rayons du soleil. Il arrivait à l’homme que j’étais avant de découvrir Épicure de se trouver au soleil et de sentir sur sa joue la caresse de ses rayons, mais cela ne lui faisait pas grand-chose. Aujourd’hui, depuis qu’Épicure m’a ouvert les yeux sur la contingence de toute chose, dès que je me trouve dehors et qu’un rayon de soleil vient réchauffer ma joue, je jubile en pensant que ce rayon de soleil et ma joue auraient très bien pu ne pas se rencontrer, qu’il n’y a aucune raison supérieure à cette rencontre. Cela m’est arrivé hier encore. J’avais cinq minutes d’avance et le ciel était couvert. Avant de pénétrer dans le restaurant, je suis resté un instant dehors. Le soleil s’est alors dégagé de derrière les nuages et j’ai senti sur ma joue une douce brûlure. Il aurait pu demeurer caché derrière les nuages, et j’aurais pu ne pas être en avance. Mais, double miracle, il était sorti des nuages et j’étais en avance : j’appréciais ce qui m’arrivait du fait même de son caractère contingent. Allons plus loin : j’aurais pu ne pas être en avance mais, surtout, j’aurais pu ne pas être du tout : mes parents auraient pu ne pas se rencontrer, ma mère aurait pu faire une fausse couche… Le soleil, lui aussi, aurait pu n’être plus. Il s’éteindra un jour comme toutes les étoiles, et, avant cela, un accident astral n’est pas exclu. Le monde tout entier, d’ailleurs, pourrait n’être plus : il aurait pu sauter pendant la guerre froide, il peut sauter aujourd’hui à tout instant à l’âge du nucléaire. C’est bien sur fond de contingence que s’apprécie l’existence. À chaque fois que je sens le soleil sur ma joue, je le sens plus fort grâce à Épicure.
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