Lire Annie Ernaux : un remède à la honte
De son écriture chirurgicale, Annie Ernaux a raconté la honte dans ses moindres facettes. Voici les cinq grandes leçons que son œuvre nous enseigne.
« À 19 ans, on m’a collé Journal du dehors d’Annie Ernaux dans les mains. […] Ça a littéralement changé le cours de ma vie. J’ai arrêté d’avoir honte. » Voici l’un des nombreux hommages publics rendus à Annie Ernaux sur les réseaux sociaux, lors de l’annonce de son prix Nobel. Rares sont les écrivains qui peuvent transformer une existence, au point de soigner un sentiment si intime et si douloureux : la honte. Comment a-t-elle fait ? Qu’est-ce qui dans cette œuvre, a pu servir de remède ? Découvrez les grandes leçons qu’à travers ses écrits, Annie Ernaux nous livre sur la honte.
1) La honte ne vient pas de nulle part
C’est l’un des premiers enseignements fournis par son œuvre. On ne peut avoir honte de soi dans le secret de sa solitude : ce sentiment étrange requiert le regard d’un autre. Sartre le formule dans L’Être et le Néant (1943) : « Autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j’ai honte de moi tel que j’apparais à autrui. » Quand Annie Ernaux est enfant, cet autrui est incarné par son école privée catholique fréquentée par des élèves issues de la petite bourgeoisie normande. Fille de commerçants et tenanciers d’un café, elle expérimente, pendant toute sa scolarisation, la distance entre les deux mondes.
Ernaux a donné à la honte une raison simple : l’origine sociale. Être issu d’un milieu modeste et côtoyer des personnes issues de la bourgeoisie est la manière la plus commune « d’entrer dans la honte », pour reprendre l’une de ses expressions. Certes, fournir une cause à la honte ne suffit pas à l’effacer. En revanche, cela permet de se sentir moins seul. « Le pire dans la honte, c’est qu’on croit être seul à la ressentir », écrira-t-elle dans La Honte (Gallimard, 1997). Son œuvre a ainsi contribué à abolir la solitude des honteux. En lisant ses récits, le lecteur cesse de vivre ce sentiment sur un mode solitaire. Il prend conscience que la honte n’est pas forcément liée à la maladresse, à la timidité, voire à la bêtise individuelle, mais aussi à la classe sociale.
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