George Orwell, à l’écart du monde

Victorine de Oliveira publié le 2 min

C’est retiré sur une petite île d’Écosse qu’Orwell, à la fin de sa vie, a rédigé son grand-œuvre.

C’est à l’écart du monde, dans « une charmante maison » sur l’île des Hébrides nommée Jura, qu’Orwell entame en mai 1946 la rédaction de 1984. Il y vit en quasi-autarcie avec son fils Richard, organisant ses journées autour de son potager, de la pêche et de la chasse, consignant les détails de cette existence à la Thoreau dans un domestic diary (« journal domestique »). Prenant un peu de recul avec ses activités de journaliste, chroniqueur et critique littéraire londonien, Orwell se laisse gagner par l’industrieuse solitude à laquelle l’oblige l’île. Dans une lettre, il confie au mois d’août : « Je n’ai encore fait aucun travail digne de ce nom, car il semble qu’il y ait toujours quelque chose d’autre à faire, on passe un temps incroyable à aller et venir. » Entre le tir aux lapins et la pose de casiers à homards, l’écrivain parvient toutefois à mettre un terme au premier jet de 1984 à l’automne 1947. Ce qui n’est pour l’instant qu’un « fatras épouvantable », un « abominable galimatias qui n’a pas grand-chose à voir avec le résultat final », doit rapidement prendre forme, car le temps presse. Une inflammation des poumons bientôt diagnostiquée en tuberculose le contraint à des hospitalisations régulières, alors qu’il entreprend d’écrire une seconde version de son roman, achevée en novembre 1948. L’utopie grise et glacée d’un monde soumis à la surveillance omniprésente de Big Brother est construite par un Orwell en grande partie alité. Lui auparavant si actif, auteur prolixe de chroniques, défenseur des mineurs du nord de l’Angleterre et combattant auprès des marxistes espagnols, est contraint désormais de ménager sa santé à l’âge d’à peine 45 ans. 1984 est enfin publié en juin 1949, alors qu’il projette déjà de s’atteler à un nouveau roman et à un essai sur Joseph Conrad. La maladie ne lui laisse le temps d’achever ni l’un ni l’autre. « De nos jours, c’est un effort surhumain de terminer un livre », écrivait-il quelques mois auparavant. Il meurt le 21 janvier 1950.

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