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Septembre 2019, à Port de Castet (vallée d’Ossau, Béarn) : suite à plus de deux-cents attaques perpétrées par un loup hybride, deux agents de la brigade anti-loup sont envoyés par le ministre de la Transition écologique François de Rugy pour protéger les troupeaux de brebis en estive. © Quentin Top/Sipa

Analyse

Faut-il une police de la nature ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 10 septembre 2020 3 min

Une nouvelle unité de police fédérale, en charge de la « santé publique » mais aussi, et surtout, des « crimes environnementaux », vient de voir le jour en Belgique. Fruit de la fusion entre le service central de la criminalité environnementale et l’« unité hormones », la Fuphec aura notamment en charge de coordonner la lutte contre le trafic d’animaux, l’utilisation de pesticides illégaux, le marché noir des médicaments, la pollution des eaux ou encore les déchets sauvages. Alors même que la nature et les écosystèmes peinent encore à s’implanter dans la majorité des systèmes juridiques en tant que « sujets de droit », comme le souhaitait le philosophe Michel Serres, cette initiative témoigne néanmoins d’une prise de conscience politique : il est urgent d’accentuer la répression concrète contre les crimes contre la nature. Mais est-ce possible sans changer, en profondeur, nos systèmes légaux ?

 

  • La police belge n’est pas la première à se doter d’une unité dédiée à la protection de la nature. La « Massachusetts Environmental Police » a ainsi été créée dès 1985. En France, il existe une vingtaine de polices différentes chargées de la protection de la nature, auxquelles s’ajoutent 1 800 « inspecteurs de l’environnement » rattachés notamment à l’Office français de la biodiversité. Le nombre total de policiers de la nature est, de l’aveu même du gouvernement, difficile à évaluer. Difficile, dans ces conditions, de faire appliquer l’ensemble des règlementations.
  • Au-delà de la question concrète des effectifs, sans doute insuffisants, et de la coordination des forces, nos systèmes juridiques sont-ils adaptés à l’ampleur du problème ? Non, selon Michel Serres. Dans Le Contrat naturel (François Bourin, 1990), le philosophe propose « que la nature devienne sujet de droit, […] que des éléments de la nature puissent ester devant les tribunaux. » Et Serres d’ajouter : « Cela signifie : au contrat exclusivement social ajouter la passation d’un contrat naturel de symbiose et de réciprocité où notre rapport aux choses laisserait maîtrise et possession pour l’écoute admirative, la réciprocité, la contemplation et le respect, où la connaissance ne supposerait plus la propriété, ni l’action la maîtrise. »
  • Un tel changement de paradigme juridique suppose de reconnaître à la nature non seulement des « droits objectifs » (interdictions, règlementations…) mais aussi des « droits subjectifs ». Il s’agit, en même temps, de troquer l’approche dite conséquentialiste dominante, qui voudrait que nous protégions l’environnement parce que sa destruction met en péril l’humanité (le fait que la nouvelle police belge prenne aussi en charge les problématiques sanitaires engendrées par les pollutions en est l’expression la plus parlante), pour une approche dite déontologique : la nature et les vivants possèdent une valeur intrinsèque, qui ne repose pas sur leur utilité pour l’homme.
  • Cette utopie a de quoi faire rêver. Mais concrètement, à quoi ressemblerait ce nouvel « ordre public écologique », pour reprendre le titre de l’ouvrage (Bruylant, 2005) co-écrit par la professeur de droit privé Marguerite Boutelet ? Reconnaître des droits à la nature implique une contrepartie plus sombre : la « sanction pénale ». Une enquête de police – et cela vaut pour les polices de l’environnement – vise à établir la culpabilité, à imputer un délit. Et qui d’autre que l’homme pourrait bien, en bout de course, être tenu pour responsable ? Or il est plus qu’improbable que les condamnés acceptent de bonne grâce leur peine pour un crime sans victime directe. « La sanction pénale n’est pas comprise, pas plus par les contrevenants que par les auteurs des poursuites », confirme Marguerite Boutelet dans un article récent. Il peut sembler naïf d’imaginer que les résistances aux politiques écologiques disparaîtront un jour. La lutte pour la protection de la nature est tout sauf un long fleuve tranquille. 
  • À l’idéal d’une harmonie retrouvée avec la Terre, la notion d’« ordre public écologique » substitue ainsi une autre représentation : l’écologie politique est un champ de force. Faire respecter les règles écologiques implique, par conséquent, des forces de l’ordre – une dose de discipline, de coercition –, parce qu’il est inhérent aux règles d’être, parfois, remises en question et transgressées. On peut bien entendu espérer que les pratiques de répression permettent, à terme, de « faire émerger dans la conscience du public » de nouvelles valeurs. Mais il faut aussi garder à l’esprit que l’évolution des valeurs défendues par une société n’exclut, en aucun cas, la lutte contre les écarts inévitables.
Retrouvez ici notre chronique du “Contrat naturel” de Michel Serres
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