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© Sergey Pesterev/Unsplash

Derrière le symbole

Et si vous hébergiez un glacier ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 23 avril 2021 3 min

Élever un glacier : c’est l’idée, un peu étrange, proposée par l’artiste Barthélemy Antoine-Lœff, qui propose d’héberger chez soi un petit bloc de glace abrité sous une cloche de verre et entretenu par un système de refroidissement, avant de le passer à quelqu’un d’autre. L’installation, baptisée Tipping Point (« point de bascule ») se veut le « relais d’une chaîne humaine en créant un lien social ». Une manière d’apprendre à prendre soin, ensemble, de la nature fragilisée par le réchauffement climatique – la Terre a perdu 28 000 milliards de tonnes de glace en l’espace de 23 ans. « Nous ne sommes pas loin d’une vanité contemporaine ou d’un objet de collection tant notre cryosphère est menacée. » On ne peut qu’approuver l’objectif (si sa consommation énergétique reste raisonnable !). Le vocabulaire, cependant, interroge : peut-on vraiment « élever » un cube de glace comme on élèverait une espèce vivante ? Éclairage avec l’essayiste et directeur d’études à l’EHESS Olivier Remaud, auteur de Penser comme un iceberg (Actes Sud, 2020).

 

  • Les glaciers sont-ils vivants ? Drôle de question. Assurément, ils ne vivent pas, si l’on considère la vie sous l’angle restreint de la biologie. Ils semblent même constituer un milieu particulièrement hostile à la vie – « un monde mort, immense écume de la mer », écrivait Leconte de Lisle. Préjugé, répond Olivier Remaud : à ses yeux, « la biodiversité des milieux glaciaires n’a pas attendu que des humains frémissent devant des icebergs pour se développer et s’adapter. » Au contact des glaces océaniques ou continentales, la vie se développe. L’écrivain allemand Jean Paul le dit à sa manière dans ses Pensées (1836) : près des glaces de la mort, on trouve des fleurs d’un nouveau printemps.
  • « Si les glaces sont bien des milieux de vie, pourquoi ne pas aller plus loin et reconnaître qu’elles sont “animées” ? », ose alors questionner Olivier Remaud. Pour les peuples arctiques, la question ne fait pas vraiment de doute : « La banquise, les glaciers, les icebergs, ces “entités” font toujours partie de la vie quotidienne dans les zones arctiques. La division épistémique entre les “choses” et les “êtres” n’existe pas dans les cosmologies traditionnelles. Les glaciers réagissent aux actions humaines. Ils détiennent une autorité spéciale sur les communautés. Des normes organisent les relations. On s’y prendra à plusieurs reprises pour approcher un glacier. […] Toute personne qui habite à proximité d’un glacier, ou qui entretient une relation régulière avec lui, le perçoit pareillement comme un être vivant. […] Elle s’insère dans son monde. Lui prend place dans sa vie, comme un membre lointain de sa famille. »
  • Si la pensée occidentale est réticente à ces formes de personnalisations animistes (qui, d’ailleurs, tendent à disparaître), elle en conserve pourtant des traces évidentes. Il n’y a qu’à examiner les discours scientifiques : « N’utilisent-ils pas le terme de “vêlage” […] pour désigner la rupture d’un glacier lâchant des icebergs ? Ce mot assimile le glacier à une vache, ou une baleine, et l’iceberg à un veau, ou un baleineau. Littéralement, les icebergs naissent. Les glaciologues parlent aussi de l’iceberg “mère” qui se brise à son tour en icebergs “filles” ou “sœurs” […]. Ils tissent des liens de parenté et de filiation. Ne disent-ils pas enfin d’un glacier qu’il est “mort” ? »
  • Ces morts affectent, profondément, les communautés qui vivent à leur côté : « Les glaces sont une partie d’eux-mêmes et elles vivent leur fonte comme si on amputait leur propre corps. » Cet entrelien nous invite à adopter une toute autre approche de la vie, non comme une réalité biologique mais comme une réalité relationnelle : le vivant tient d’abord dans la capacité à affecter l’existence des autres. De ce point de vue, les êtres non-humains, même ceux réputés inertes, vivent à leur manière : ils agissent, interagissent avec une foule d’autres êtres.
  • L’idée d’« élever » un glacier, de tisser des liens avec lui, est donc beaucoup moins absurde qu’il n’y paraît. Le mot, pourtant, traduit un glissement qui n’est pas anodin : le glacier n’est plus cette immensité sublime et indomptable à laquelle nous pensons spontanément ; il tient désormais dans le creux d’une main. D’espèce sauvage, il se mue en une créature domestique, qui tient lieu d’avertissement : si la planète continue de se réchauffer, il ne restera peut-être bientôt que cette forme émoussée de vie glaciaire, réduite au seul objectif de sa conservation. Espérons ne pas en arriver à ce « point de bascule ».
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