Éric Rohmer : “La philosophie fait partie du suspense”
Comment parler de théorie dans un film sans que cela paraisse forcé ? Le cinéaste excelle à relever ce défi. En attestent la discussion sur le pari de Pascal dans Ma nuit chez Maud, ou la scène de Conte de printemps où Jeanne expose, lors d’un dîner, la théorie kantienne du jugement synthétique. À l’occasion de la sortie des Amours d’Astrée et de Céladon, adaptation du roman-fleuve du début du XVIIe siècle écrit par Honoré d’Urfé, le réalisateur évoque sa vision de la mise en scène.
Votre prochain film est adapté de L’Astrée, grand roman pastoral du XVIIe siècle. Pourquoi choisir une œuvre depuis longtemps tombée dans l’oubli ?
Éric Rohmer : À cause de la qualité cinématographique du texte et surtout de ses dialogues. Ils sont extrêmement vivants et modernes, plus faciles que ceux du théâtre de Corneille, qui lui sont pourtant postérieurs. J’avais aussi envie de filmer la nature. Elle est très importante dans L’Astrée. On y trouve une rivière, des grandes étendues de prés, des marches dans la forêt, des arbres et en particulier des chênes : ils jouent tous un rôle dramatique de premier plan. Cela m’a donné envie de situer le film dans un décor réel. On ne doit pas reconstituer une rivière en studio.
Je crois à la nature un peu comme Jean-Jacques Rousseau. Je ne dis pas que je suis écologiste car maintenant tout le monde l’est, mais j’ai été parmi les premiers à en parler. Pendant les événements de 1968, j’affirmais, à un moment où l’on n’en parlait pas, que le grand problème n’est pas la société mais la nature. Ce qui me plaît, c’est que le chef de file des étudiants de Nanterre, Daniel Cohn-Bendit, est maintenant devenu écologiste.
Cette histoire d’un jeune homme, Céladon, qui respecte farouchement la parole donnée, son serment de ne pas réapparaître devant celle qu’il aime parce qu’elle le soupçonne de l’avoir trahie, touchera-t-elle le public ?
Je fais le pari que oui. Mais je peux me tromper. Quoi qu’il en soit, je ne cherche pas à rajeunir un sujet pour le rendre plus accessible. Je cherche, au contraire, à le replacer dans son époque et à faire qu’il puisse tout de même toucher les générations actuelles. Mon travail est un peu celui d’un historien. Car la beauté des choses d’autrefois a la capacité de nous toucher malgré la distance historique. Je montre aussi qu’on avait certaines façons de penser, de sentir qui n’étaient pas les mêmes que maintenant, mais qui ne sont pas forcément périmées. La pudeur était différente : on cachait ses jambes et on montrait sa poitrine. Autre exemple : lorsque Astrée et une jeune femme se caressent, ce n’était pas forcément perçu comme du lesbianisme.
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