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La centrale photovoltaïque de Géhétóu à Qínhuángdǎo, dans le nord de la Chine, le 12 février 2017. © Yang Shiyao/Xinhua/Réa

Chine

Énergie solaire : la grande divergence Chine/Europe

Octave Larmagnac-Matheron publié le 15 février 2023 5 min

La Chine, dans sa stratégie de puissance, investit massivement dans l’énergie solaire. Comment comprendre ce tournant énergétique ? Éléments de réponse.

D’une grande divergence l’autre

Si la Chine peut aujourd’hui espérer devenir la première puissance économique du monde – et retrouver la place qu’elle a en fait longtemps occupée dans l’histoire mondiale –, elle n’en a pas moins connu, pendant près d’un siècle, une forme d’éclipse. À la fin du XVIIIe siècle, la Chine et l’Europe connaissent un niveau de développement similaire, comme le remarque l’historien américain Kenneth Pomeranz dans Une Grande Divergence (Albin Michel, 2010). Cependant, en l’espace de quelques décennies, la révolution industrielle s’enclenche en Occident, et l’économie de la Chine décroche. Comment expliquer cette « grande divergence » ? Pourquoi la Chine a-t-elle raté le coche de la révolution industrielle ?

Si la réponse n’est pas unique, pour Pomeranz, un élément décisif tient au changement de régime énergétique qui s’opère en Angleterre et pas en Extrême-Orient : alors que les deux aires économiques sont proches, à l’époque, d’un niveau de saturation des ressources naturelles (limite des terres disponibles pour nourrir une population croissante, déforestations massives, etc.), l’Angleterre parvient à desserrer l’étau en initiant l’exploitation de plus en plus massive d’une nouvelle source énergétique, le charbon. La Chine, comme l’Angleterre de l’époque, possède il est vrai également de très importantes ressources minières (qu’elle exploite abondamment aujourd’hui). Mais le charbon anglais était plus facilement accessible : plus facile à extraire, plus proche des centres urbains, etc. Les réserves chinoises, au contraire, sont situées au nord du pays, alors que le cœur économique se situe davantage au sud. S’ajoute, à ces éléments matériels, une volonté politique affichée par le pouvoir britannique de développer et tirer profit de cette nouvelle source d’énergie. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour que l’Angleterre se retrouve propulsée au rang de première puissance mondiale, et que la Chine soit marginalisée.

La « grande divergence » s’est jouée, en partie, sur une question énergétique. Et si nous assistions à l’aube d’une nouvelle grande divergence, fondée sur la mise à profit des énergies renouvelables, et en particulier de l’énergie solaire, de la part de la Chine ? Le monde occidental accuse indéniablement un retard important sur l’Empire du Milieu en la matière. Pour la première fois, en 2022, le solaire fait jeu égal avec le nucléaire dans la production électrique chinoise (plus de 400 TWh annuels). Le solaire connaît une croissance régulière de 25% par an depuis au moins 2017. Les entreprises chinoises produisent actuellement 80% des dispositifs solaires dans le monde, et probablement 90% dans quelques années ou décennies. Pour assurer sa position archi-dominante, la Chine vient tout juste d’interdire l’exportation des technologies en jeu dans l’industrie solaire. Le pays, qui investit dans de nombreux projets de champs solaires en Afrique, ambitionne même de lancer la première centrale solaire en orbite.

Culture solaire

L’énergie, à condition qu’elle soit dirigée vers les bons secteurs, est la clef de la puissance et du développement, Pékin l’a bien compris. Ce n’est sans doute pas un hasard si la Chine a récemment mis au pas ses géants du numérique (les BATX : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), secteur éminemment énergivore mais peu productif d’un point de vue matériel. Même chose pour l’interdiction des cryptomonnaies (à l’exception du yuan numérique). Si le développement du solaire occupe une place de choix dans les politiques chinoises, d’autres sources d’énergie connaissent une forte croissance : l’éolien, et plus encore le nucléaire. On remarquera tout de même, dans les transformations du mix énergétique, un tropisme sinon solaire, du moins céleste : le vent appartient, évidemment, au domaine du ciel ; mais le nucléaire lui-même est de plus en plus inscrit dans l’horizon du développement des techniques de fusion, c’est-à-dire du développement de véritables « soleils artificiels ».

Ce tropisme n’est pas sans rapport avec les traits propres d’une culture bien différente de la culture occidentale. La Chine se pense comme tiānxià : « (l’empire) sous le ciel » [lire notre article]. Toute la pensée chinoise est traversée par l’idée de ch’i (ou qi), flux énergétique dont les inflexions, les mouvements, sont souvent symbolisés par la course du soleil. Ce flux est marqué par l’alternance des polarités yin et yang, associées respectivement à la lune et au soleil. Tout l’enjeu pour l’être humain, et plus précisément pour le souverain, est d’épouser le cours de ce flux et les rythmes cosmique de manière harmonieuse. « Il faut tout éclairer comme le font le soleil et la lune, c’est cela le digne comportement d’un monarque », note l’encyclopédiste Guanzhong.

Cette perspective d’une « civilisation harmonieuse » qui serait, partant, une « civilisation écologique », a été mise en avant ces dernières années comme le montrent Gwennaël Gaffric et Jean-Yves Heurtebise dans « L’écologie, Confucius et la démocratie » (2013). Dans ses articles de 2006 « Beautiful Development » et « Evolution of an Ecological Civilization », Pan Yue, ancien vice-directeur de l’agence chinoise de la Protection de l’environnement, opposait frontalement une tradition occidentale profondément anti-écologique, et une tradition chinoise respectueuse de la nature – mais dénaturée, selon lui, par l’imposition de logiques occidentales : « Notre processus de modernisation procède d’une logique occidentale. Or ce n’est pas un choix judicieux de copier le modèle de modernisation industrielle occidental, car ce modèle se traduira par de graves conflits avec l’environnement et les ressources naturelles. […] Il est nécessaire de se tourner vers la culture traditionnelle chinoise afin de définir un type de modernisation adapté à notre propre structure culturelle. La sagesse écologique propre à la civilisation chinoise doit devenir une composante importante de la civilisation écologique. » On aura vite fait de prolonger l’opposition : énergies de stock (charbon, pétrole, etc.) contre énergies de flux, extractivisme qui éventre la Terre contre imprégnation par les forces célestes, libération forcée d’énergie par combustion contre mise à profit de dynamiques naturelles, etc.

Recycler le passé

L’opposition est en partie caricaturale. Est-elle pour autant dénuée de pertinence ? Dans Let It Shine (2013), l’historien américain spécialiste du solaire John Perlin souligne combien la civilisation chinoise fut l’une des premières, peut-être la première, à penser la mise à profit de l’énergie solaire. Non pas, bien sûr, selon les modalités technologiques contemporaines, mais sous la forme d’une « architecture solaire » développée 6000 ans avant J.-C., capable de tirer profit au mieux, saison après saison, de la chaleur diffuse de l’astre. C’est également en Chine que furent développés, bien avant les « miroirs ardents » d’Archimède, les premiers « miroirs incurvés […] capables de concentrer les rayons du soleil sur un objet avec assez d’intensité pour le faire s’enflammer en quelques secondes ». Confucius évoque déjà, il y a trois millénaires, ces yángsuì (阳燧). L’énergie solaire en Chine est assurément une vieille histoire, reprise aujourd’hui comme une promesse d’avenir.

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