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Court-circuit

Juliette Cerf publié le 2 min

Devinette : c’est une expression française qui ne se traduit pas en anglais. Inventée en 1876 par un certain Émile Boirac, elle a récemment donné son nom à un film de Tony Scott. Elle est placardée sur des affiches parisiennes dans Femme fatale de l’hitchcockien Brian de Palma. Qui est-elle ? Vertige ? Sueur froide ? Soupçon ? La bonne réponse est : le déjà-vu. Un puissant paradoxe anime cette impression la mieux partagée du monde : voir ou entendre ce que l’on croit avoir déjà vu ou entendu pourrait créer un sentiment de familiarité, une identité réconfortante. Illusion ! Ici, c’est sous les traits trompeurs du connu que l’inconnu avance, que son vertige jaillit. L’impression de déjà-vu se double toujours d’un « sentiment de stupéfaction, mêlé à de l’incrédulité et à de l’inquiétude ». Rien ne le définit mieux que sa soudaineté qui vient trouer le cours irréversible du temps. Y adjoindre des effets de montage. Sa nature, on l’a compris, est éminemment cinématographique : le ­déjà-vu, fondamentalement, relève de la séquence. Pâture pour la recherche médicale, il nous fait prendre la réalité pour une hallucination. C’est sous la forme d’un sentiment étrange, d’une sensation contradictoire qu’il se présente à nous alors que ses raisons n’attisent jamais vraiment notre intérêt. Ce qu’Alphonse de Lamartine avait très bien compris : « Notre mémoire n’est-elle qu’une glace ternie que le souffle de Dieu ravive ? Ou bien avons-nous, dans notre imagination, la puissance de pressentir et de voir avant que nous voyions réellement ? Questions insolubles ! »

Expresso : les parcours interactifs
Jusqu’où faut-il « s’aimer soi-même » ?
S'aimer soi-même est-ce être narcissique ? Bien sûr que non répondrait Rousseau. L'amour de soi est un formidable instinct de conservation. En revanche, l'amour propre est beaucoup plus pernicieux...Découvrez les détails de cette distinction décisive entre deux manières de se rapporter à soi-même.
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