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Numérique

Comment le PDF a changé le monde

Octave Larmagnac-Matheron publié le 06 septembre 2023 5 min

John Warnock, l’informaticien co-créateur du format PDF, est décédé le 19 août dernier – trente ans après la présentation de la première version du programme Adobe Reader. Comment ce langage de description de page, utilisé aujourd’hui chaque jour par des millions de personnes, a-t-il changé le monde ? Petite histoire philosophique.


 

Il faut, pour bien saisir tout l’enjeu de la création du format PDF, tout d’abord se représenter (ou se remémorer…) le Far West désorganisé en quoi consistait le monde numérique il y a trente ans : en l’absence de normes communes, vous n’aviez aucune certitude qu’en envoyant un fichier à quelqu’un, celui-ci serait capable de le lire. Possédait-il le bon matériel ? Possédait-il même, simplement, la bonne police de caractères (problème que rencontrent encore aujourd’hui les usagers du programme Microsoft Word) ?

L’objectif du PDF était simple et ambitieux : résoudre le problème de la compatibilité ; créer un format universel qui permettrait à n’importe qui de partager un document électronique en préservant parfaitement sa mise en forme, de manière à rendre possible sa lecture et son impression à l’identique sur n’importe quel appareil. John Warnock, co-créateur du format, résumait le projet en ces termes :

“Ce dont les industries ont le plus besoin, c’est d’un moyen universel de communiquer des documents à travers une grande variété de configurations de machines, de systèmes d’exploitation et de réseaux de communication. Ces documents doivent pouvoir être visualisés sur n’importe quel écran et imprimés sur n’importe quelle imprimante moderne. Si ce problème peut être résolu, la façon dont les gens travaillent changera fondamentalement”

John Warnock, « The Camelot Project », 1990

Naissance d’un logiciel star

Pour résoudre le problème, il fallait que le document contienne lui-même, dans un minimum d’espace, tous les éléments (images, police, etc.) nécessaires pour qu’il soit affiché à l’identique indépendamment de la machine sur laquelle il était lu. Le logiciel capable de lire ce nouveau format fonctionnerait donc essentiellement comme une liseuse (reader). L’idée de Warnock n’était pas entièrement nouvelle. C’était également l’ambition du projet PostScript lancé en 1985.

Mais, comme le note Warnock au début des années 1990, si « les solutions […] PostScript sont la bonne solution à long terme car la puissance des machines augmente avec le temps, cette solution offre peu d’aide à la grande majorité des utilisateurs contemporains, avec les machines d’aujourd’hui » dont la puissance est alors limitée. C’est pour résoudre ce problème, et proposer une réponse informatiquement plus économe, que Warnock lance le « Camelot Project » en 1990. Trois ans plus tard, le premier format PDF – Portable Document Format (« format de document portable ») – est présenté lors de la Windows and OS/2 Conference.

Essor et perfectionnement

Le succès est toutefois loin d’être immédiat. Le prix était l’un des principaux problèmes du logiciel nécessaire au visionnage des PDF : il fallait débourser pas moins de 50 dollars américains pour en faire l’acquisition. Le souci sera en grande partie résolu par une décision audacieuse : en 1994, Adobe Reader 2.0 est lancé, et chaque utilisateur peut désormais installer gratuitement une copie du logiciel. Un pas de plus en franchi en 2008 : l’entreprise Adobe renonce à la propriété du format PDF, qui devient un format libre, placé sous la houlette de l’Organisation internationale de normalisation – la célèbre ISO. Entretemps, Internet a connu un boom qui encourage largement le partage de documents, ce qui contribue à la popularisation du PDF.

À cette dynamique s’ajoute le développement, par l’entreprise Adobe, de nouvelles fonctionnalités. Le document peut être efficacement sécurisé par mot de passe, protégé contre les modifications, les tentatives de copie ou d’impression. D’autre part, le format inclut bientôt des possibilités plus interactives : signature électronique, complétion de formulaire, etc. Pour cette double raison, le .pdf est bientôt adopté par différentes institutions publiques, par exemple pour la signature de contrats et d’autres documents officiels. Les options d’annotation favorisent encore sa diffusion dans la vie des entreprises ou dans le champ universitaire.

L’archivage du monde

La pénétration du PDF, aujourd’hui utilisé quotidiennement par des millions d’usagers, marque un tournant décisif dans la numérisation du monde. Le PDF, en effet, ne doit pas seulement être identique d’un appareil à l’autre, il doit permettre une identité visuelle entre le format numérique et l’impression papier. Il est rapidement utilisé par les sociétés privées comme les administrations pour stocker, de manière beaucoup plus économe, leurs registres. Le grand avantage du PDF tient ici à sa durabilité : contrairement à la plupart des formats électroniques, un .pdf reste lisible indépendamment des mises à jour successives.

Cette stabilité, couplée avec la garantie de l’intégrité du document, en fait un outil décisif d’archivage sur disque dur ou désormais sur le cloud. Le format pdf/A, en particulier, est spécifiquement développé dans l’objectif d’une conservation de long terme (« A » pour « archive »), et est utilisé notamment par les bibliothèques pour la numérisation de documents anciens, afin de les conserver à l’identique ou presque en cas de destruction des versions papier. Le PDF a joué au fond dans les deux sens : il a apporté un ordre plus proche de celui du papier dans le monde numérique tout en favorisant la copie digitale des traces matérielles.

Lecture non linéaire

On comprend mieux le succès non démenti du PDF. Warnock avait certainement raison de dire que, s’il était adopté par une large majorité, « la façon dont les gens travaillent changera[it] fondamentalement ». Les pratiques de lecture, notamment, ont été largement métamorphosées. Comme le note un collectif de chercheurs dans l’article « De l’édition collaborative au livre ouvert » (par Les Ateliers de [sens public]), « le livre papier […] tend à une lecture linéaire. Une thèse peut y être présentée et argumentée de façon complexe. Le lecteur sera capable de suivre de manière linéaire le développement de l’argumentation, de reprendre le cheminement de pensée de l’auteur en se laissant accompagner d’un bout à l’autre du discours ». Au contraire, « l’édition numérique augmentée [permet] une lecture non linéaire, qui procède par approfondissement et par associations ».

Imaginez, par exemple, que le mot « héros » vous intrigue au détour d’un texte de Kant : sur ordinateur, un contrôle+F dans l’ensemble des ouvrages de l’auteur vous permettra d’en repérer toutes les occurrences et, en un sens, de créer une autre œuvre, ou du moins une autre manière de lire l’œuvre. « Cette navigation génère le parcours emprunté par le lecteur. Ce parcours n’a pas été prévu par un auteur ou un éditeur et ne préexiste pas à la navigation. […] Il n’est pas exact […] que le numérique détruit notre capacité d’attention. En matière de lecture savante, le support numérique de lecture ne favorise pas le suivi d’un discours long et unitaire, mais promeut une attention différente, disséminée, privilégiant l’approfondissement par rebonds. »

Le PDF n’a sans doute pas l’apanage de ces potentialités nouvelles. D’autres formats informatiques peuvent jouer le même rôle : ePub ou même simplement Word. Certains PDF, du reste, sont numérisés sous forme d’image et non de texte, ce qui limite les possibilités de recherche. Mais le vagabondage reste possible, dans un document dont le format PDF garantit au mieux – mieux en tout cas que les autres formats courants d’affichage de page – l’intégrité.

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