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© Hergé/Moulinsart 2020

Entretien

Comment décoloniser “Tintin au Congo” ?

Felwine Sarr, propos recueillis par Martin Legros publié le 23 décembre 2020 8 min

Vendu à plus de dix millions d’exemplaires depuis sa publication en série dans la presse dans les années 1930, l’album consacré par Hergé à l’ancienne colonie belge véhicule des préjugés racistes et promeut la mission civilisatrice de la colonisation. L’universitaire Felwine Sarr, spécialiste de la pensée et de la culture africaine, essaie de comprendre les raisons de son succès.

 

Quand avez-vous lu Tintin au Congo ? Quel souvenir en gardez-vous ?

Felwine Sarr : Je ne l’ai pas lu enfant. Je l’ai découvert adulte, au moment où j’ai eu vent de la controverse autour de cet album. Et je dois dire qu’il m’a suffi de quelques pages pour me faire mon opinion. Dès les premières planches, j’ai été choqué par ce récit au service de l’idéologie coloniale, imprégné de préjugés racistes. Hergé dépeint les Noirs africains comme des êtres infantiles, paresseux et superstitieux, qui ont besoin que l’homme blanc, rationnel et généreux, incarné par Tintin et les bons missionnaires, vienne leur apporter la raison. Le continent africain apparaît comme une grande réserve d’animaux sauvages où l’homme blanc peut donner libre cours à sa pulsion destructrice de chasseur. Et toutes les traces de la violence coloniale sont effacées. On sait qu’il s’agissait d’une commande du mentor d’Hergé, l’abbé Wallez, rédacteur en chef du Vingtième, antisémite et colonialiste, qui avait lui-même été sollicité par le ministre belge des Colonies pour réaliser des reportages « positifs » sur la présence belge au Congo. Et il est vrai qu’Hergé, âgé alors de 23 ans, n’avait jamais mis les pieds en Afrique. Mais ce contexte n’enlève rien au problème de l’existence d’un album comme celui-là aujourd’hui. Nombre d’écrivains ou de philosophes des Lumières et de la modernité ont tenu des propos racistes. Ici, il s’agit d’un livre à destination du grand public et d’enfants qui ne font pas nécessairement une lecture critique de cette BD, et qui peuvent être issus du continent africain, comme les miens. Je ne voudrais pas que des enfants ou de jeunes adolescents tombent par hasard sur cet album dans une bibliothèque de Dakar et fassent l’expérience d’un dénigrement systématique qui porte atteinte à l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes.

 

Considérez-vous qu’il faut accompagner cet album d’un avertissement ou en interdire la publication ?

Je pense que des œuvres racistes, qui dégradent les autres, ne doivent pas être diffusées. Mais je ne crois pas qu’on doive passer au scanner les œuvres du passé et les expurger de tous les éléments qui sont contraires à l’idée que l’on se fait de l’humanité. L’édition d’un tel album engage l’idée que l’on se fait de la culture. À mon sens, elle est inséparable d’un projet d’émancipation de l’humanité. Si tel est le cas, la question de ce que l’on met en circulation pour former l’esprit des individus, et en particulier des plus jeunes, se pose. Il faut éviter deux écueils : celui de la censure moralisante et celui de la mise à disposition non critique de tout. Les œuvres ont un impact, elles façonnent les mentalités, il faut pouvoir les interroger. D’autant qu’on n’est pas guéri des représentations négatives de l’altérité. Prenez le dessin animé Kirikou, qui a également eu un succès mondial, alors qu’il véhicule des clichés problématiques : il met en scène un petit enfant noir, nu, figé dans sa gentillesse et sa ruralité. Aujourd’hui, des jeunes enfants qui débarquent à Dakar cherchent le personnage de Kirikou et ne comprennent pas pourquoi ils ne l’y trouvent pas au coin des rues... 

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