Anouche Kunth : “La situation au Haut-Karabagh s’inscrit dans le temps long de l’impunité”
L’attaque militaire de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabagh a conduit des dizaines de milliers d’Arméniens à fuir ce qu’ils considèrent comme la terre de leurs ancêtres. Comment en est-on arrivé à cette situation ? L’éclairage de l’historienne Anouche Kunth, spécialiste du monde arménien.
Que se passe-t-il dans le Haut-Karabagh ?
Anouche Kunth : Nous assistons à un exode massif des Arméniens qui quittent par milliers ce territoire enclavé dans lequel ils se sont battus pour vivre et demeurer à travers les siècles. Aujourd’hui, ce sont plus de la moitié d’entre eux qui sont partis en l’espace de quelques jours, devant la menace de l’Azerbaïdjan. Ce qui frappe d’abord, c’est l’impression d’un coup d’accélérateur de l’histoire : cet épisode d’exode clôt, en quelque sorte, un processus au long cours de démaillage du grand patchwork multinational (des langues, des peuples et des pouvoirs), qu’était le Caucase, avec cependant trois grandes nations principales : les Géorgiens, les Arméniens et les Azéris. Sur la longue durée, nous avons une simplification brutale de la carte des peuplements, une homogénéisation ethnique, à travers des mouvements frontaliers décidés par des pouvoirs centraux, qui ont joué la division par-dessus la tête des peuples concernés, ce qui s’est concrétisé par plusieurs épisodes de massacres et de déplacements forcés. Quand, en 1921, le Karabagh a été attribué à l’Azerbaïdjan alors qu’il était essentiellement peuplé d’Arméniens, c’était pour satisfaire le « traité d’amitié » fraîchement conclu entre les Bolcheviks et Mustafa Kemal, le fondateur et premier président de la République de Turquie. Aujourd’hui encore, derrière l’événement, sont à l’œuvre des alliances de circonstance entre la Russie de Poutine et la Turquie d’Erdoğan : en définitive, elles ont eu raison des aspirations arméniennes de redéfinir le cadre politique dans lequel les Arméniens pourraient demeurer sur leurs dernières terres historiques. On peut voir derrière cet événement une forme de continuité et de cohérence [pour comprendre, voir à ce propos la frise temporelle sur le conflit au Haut-Karabagh, qui reste irrésolu depuis des décennies].
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