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“1993” de Julien Gosselin et Aurélien Bellanger © Jean-Louis Fernandez

Théâtre

“1993” : face à la “fin de l’histoire”

Cédric Enjalbert publié le 16 janvier 2018 4 min
L’écrivain Aurélien Bellanger et le metteur en scène Julien Gosselin s’associent pour donner une réponse enlevée à la thèse prophétisant la “fin de l’histoire”, dans “1993”. Le spectacle, joué au Théâtre de Gennevilliers jusqu’au 20 janvier, tourne ensuite en France.

Quelle est la condition de l’homme moderne ? Julien Gosselin ne cesse de poser la question, de pièce en pièce. Auteur d’une adaptation remarquée des Particules élémentaires, le jeune metteur en scène prend à bras-le-corps les inquiétudes métaphysiques contemporaines. À la fin de son précédant spectacle adapté de 2666, un roman dantesque de l’écrivain chilien Roberto Bolaño, un enfant déclarait : « qu’est-ce qu’il est étrange ce siècle ». Pour en approcher l’étrangeté, l’artiste met aujourd’hui en scène 1993, un texte d’Aurélien Bellanger.

Se penchant sur l’année 1993, qui succède immédiatement à l’effondrement de l’Union soviétique, l’auteur met en regard deux constructions manifestant alors la croyance dans le progrès et l’accomplissement de la modernité, sinon de la paix perpétuelle : l’inauguration de l’accélérateur de particules imaginée par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le Cern, en 1989, et l’achèvement du tunnel sous la manche, en 1993, qui serait « le lieu précis de la fin de l’histoire ».
 

Le règne du libéralisme bourgeois

De larges pans de La Fin de l'histoire et le Dernier Homme émaillent le spectacle. Considéré comme l’un des essais les plus marquants du XXe siècle, ce livre du politologue américain Francis Fukuyama, publié en 1992, thématise la victoire sans démenti du modèle libéral sur tous les autres modèles, et donc la fin des conflits idéologiques. Pour l’intellectuel américain, qui avance cette thèse dès 1989 dans un article intitulé The National Interest, la fin de l’histoire ne signifie pas tant la fin des conflits ou des événement mais l’accomplissement à travers le monde de la démocratie libérale. « L’expression “fin de l’histoire” n’est pas de moi, mais de Hegel, explique-t-il dans un entretien qu’il nous accordait en 2009. Chez lui, elle se réfère avec une pointe d’ironie à l’année 1806 : Napoléon défait la Prusse lors de la bataille d’Iéna et impose à toute l’Allemagne les principes de liberté et d’égalité hérités de la Révolution française. Marx subvertira cette idée, en identifiant la fin de l’histoire à la victoire du communisme. 
En reprenant cette expression en 1989, j’ai voulu dire que Hegel avait eu raison contre Marx : avec l’effritement du communisme, la fin de l’histoire ressemblait bien plus au règne du libéralisme “bourgeois” – c’est-à-dire à une combinaison entre démocratie pluraliste, propriété privée, liberté individuelle et souveraineté populaire – qu’à l’avènement d’une société sans classes et sans propriété privée. »


1993 
© Jean-Louis Fernandez


Erasmus et Eurodance

Toute une première partie du spectacle explore cette période située au début des années 1990, à travers le prisme d’une jeunesse bercée par l’Eurodance et les voyages Erasmus, celle qui n’a jamais connu la guerre et qui aujourd’hui a plus ou moins trente ans. Elle est interpétée avec fougue par les jeunes professionnels du Groupe 43, formés au Théâtre national de Strasbourg auquel Julien Gosselin est associé, dans une ambiance obscure et stroboscopique. Sur le plateau plongé dans le noir, des néons figurent les tunnels d’une hypermodernité dopée à la vitesse.

Rien ne semble freiner son accélération… sinon la désagrégation de tout sentiment politique au profit d’une logique libérale individualiste, d’un effritement des ambitions de l’Europe face aux crises migratoires, à Calais notamment. Ici, « le portail temporel du tunnel s’était ainsi mis à fonctionner moins bien, écrit ainsi Aurélien Bellanger. Il a fallu revoir les protocoles de sécurité́, repenser les traités de coopération douanière. La modernité́ s’est retrouvée toute encombrée de dispositifs imprévus qui en retardaient sans cesse l’avènement promis. Des réfugiés nouveaux sont arrivés du monde entier. Le tunnel, solution jadis miraculeuse, est devenu le nom d’un problème insoluble ; Calais celui d’une lente dévolution de l’Europe vers des abysses médiévaux. »


1993 © Jean-Louis Fernandez


La nuit idéologique

Malgré des longueurs et des effets superflus, la seconde partie du spectacle, beaucoup plus économe en mots, le montre violemment en figeant une microsituation. Filmant une fête entre étudiants Erasmus, projetée au-dessus de la scène où se déroule l’action, des représentants de la jeunesse européenne s’épuisent dans la drogue, dans la danse et dans la violence de la nuit... idéologique. Ce monde pris à sa propre accélération sinon à son propre ennui, propulsé dans un trou noir historique, côtoie un monde de camps, incarnant les désillusions de l’histoire.

« Je ne cherche pas spécifiquement à monter des textes de théâtre faits de dialogues, assurait Julien Gosselin dans un entretien, en 2016. Je privilégie les textes qui portent un regard sur notre monde contemporain, qui vont puiser dans des thèmes qui ne soient pas seulement éthérés ou poétiques – l’amour, la mort. J’essaie plutôt de m’emparer des problématiques de la société, en cherchant politiquement et intellectuellement à cerner le monde dans lequel nous vivons. » En confrontant la présumée fin de l’histoire à l’échec des démocraties libérales, en donnant la parole à une jeunesse malheureusement revenues des utopies libérales et cosmopolitiques, sans chercher de leçon, de conclusion ni de morale, cette création en atteste à nouveau.

Informations
1993 
Texte : Aurélien Bellanger
Mise en scène : Julien Gosselin
Avec : Quentin Barbosa, Genséric Coléno-Demeulenaere, Camille Dagen, Marianne Deshayes, Roberto Jean, Pauline Lefebvre-Haudepin, Dea Liane, Zacharie Lorent, Mathilde Mennetrier, Hélène Morelli, Thibault Pasquier, David Scattolin
Scénographie : Emma Depoid, Solène Fourt
Musique : Guillaume Bachelé
Costumes : Salma Bordes
Son : Hugo Hamman, Sarah Meunier
Lumière : Quentin Maudet, Juliette Seigneur en collaboration avec Nicolas Joubert
Vidéo : Camille Sanchez en collaboration avec Pierre Martin
Assistanat à la mise en scène : Eddy D’Aranjo, Ferdinand Flame
 
Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons - 92230 Gennevilliers
Du 9 au 20 janvier, du lundi au vendredi à 20 heures, le samedi et dimanche à 16 heures.
Réservations : 01 41 32 26 26
Durée : 1h45
 
En tournée :
☛ 24 et 25 janvier 2018 / Théâtre Thalia - Hambourg
☛ 16 et 17 mars 2018 / Le Phénix, Valenciennes
☛ 26 mars au 10 avril 2018 / Théâtre National de Strasbourg
☛ 17 au 21 avril 2018 / Théâtre de Liège
☛ 16 au 18 mai 2018 / Théâtre Vidy-Lausanne
☛ 15 et 16 juin 2018 / Printemps des comédiens, Montpellier

 

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